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Pour un principe matérialiste fort

Compléments du livre
“L'Europe et le vide de puissance"

 

L'Europe et le vide de puissance

Essais sur le gouvernement de l'Europe au siècle des Super-États

Éditions Jean Paul Bayol - sortie mai 2008

 

 

Annexe 3.

Le rapport 2007-2008 du PNUD sur le développement humain

 

Le rapport, intitulé “La lutte contre les changements climatiques : la solidarité humaine dans un monde divisé”, brosse un tableau sans complaisance de la menace que représente le réchauffement planétaire. Il fait valoir que le monde se rapproche d’un « point de basculement » qui risque d’entraîner les pays les plus pauvres de la planète et leurs citoyens les plus pauvres dans une spirale infernale, laissant des centaines de millions de personnes confrontées à la malnutrition, au manque d’eau, aux menaces écologiques, et à la perte de leurs moyens de subsistance.

En dernière analyse, le changement climatique représente une menace pour l’humanité dans son ensemble. Mais ce sont les pauvres, qui ne sont pas responsables de la dette écologique accumulée par les pays riches, qui vont en supporter immédiatement le coût humain le plus lourd.

Les menaces

Le rapport précise avec de nombreuses données scientifiques la façon dont les populations pauvres subiront l’impact écologique du changement climatique. Pour les 2,6 milliards de personnes qui survivent avec moins de $2 par jour, la tendance pluri-décennale à l’amélioration (lente) des niveaux de vie risque de ralentir puis de s’inverser. Parmi les menaces identifiées dans La lutte contre le changement climatique figurent :

- L’effondrement des systèmes agricoles de plus en plus exposés à la sécheresse, à l’augmentation des températures, et à des précipitations plus imprévisibles, entraîneront 600 millions de personnes supplémentaires dans la malnutrition. Les zones semi-arides d’Afrique sub-saharienne parmi les plus pauvres du monde risquent d’enregistrer une diminution de 26 pour cent de leur productivité d’ici 2060.

- D’ici 2080, 1,8 milliards de personnes supplémentaires pourraient être victimes du stress hydrique, de vastes régions d’Asie du Sud et du nord de la Chine étant confrontées à une crise écologique grave liée au rétrécissement des glaciers et à la modification des précipitations.

- Le déplacement de 332 millions de personnes vivant dans les zones côtières et dans les zones de faible élévation du fait des inondations et des tempêtes tropicales. Plus de 70 millions de personnes vivant au Bangladesh, 22 millions au Vietnam, et six millions en Égypte, pourraient être touchées par des inondations dues au réchauffement de la planète.

- Les risques sanitaires nouveaux, avec 400 millions de personnes supplémentaires qui pourraient être exposées au paludisme.

Rassemblant les éléments de preuve découlant de récents travaux de recherche, les auteurs du Rapport font valoir que le coût potentiel du changement climatique pour l’homme a été sous-estimé. Ils relèvent que les chocs climatiques tels que les sécheresses, les inondations et les tempêtes, dont la fréquence et l’intensité vont augmenter avec le changement climatique, sont déjà les premiers des facteurs de pauvreté et d’inégalité. Le réchauffement planétaire ne fera qu’en exacerber les effets.

Le rapport constate que malheureusement, nombre des objectifs que se sont déjà fixés et qu’essayent d’appliquer les gouvernements des pays développés signataires du protocole de Kyoto (c'est-à-dire ne comprenant pas, notamment, les Etats-Unis, le Canada et l’Australie -laquelle vient seulement d’adhérer au protocole en Novembre 2007 à la suite d’un changement de majorité) restent en deçà de ce qui est nécessaire.

De plus la plupart des pays développés, comprenant l’Europe, n’ont pas obtenu les réductions modestes—en moyenne 5 pour cent par rapport aux niveaux de 1990—convenues au titre du Protocole de Kyoto. Aucune politique énergétique concrète n’a été mise en place pour mettre en conformité les actes et les objectifs de sécurité climatique affichés.

Pour sinon inverser l'évolution en cours qui parait irréversible, du moins limiter son ampleur, le rapport demande une approche jumelée qui conjugue des mesures strictes de réduction de la production des gaz à effet de serre (GES) afin de limiter le réchauffement au 21ème siècle et des coopérations renforcées pour faciliter l’adaptation aux conséquences du changement climatique qui frapperont les plus faibles.

Mesures à prendre pour la réduction de la production des GES

S’agissant de la réduction, les auteurs demandent aux gouvernements de se fixer un objectif collectif afin d’éviter les changements climatiques dangereux. Ils prônent un seuil de à ne pas dépasser de 2 degrés centigrades au dessus des niveaux préindustriels (le niveau actuel se situe à 0,7 degrés centigrade). Mais ils avertissent qu’au regard des tendances actuelles, le monde risque davantage de dépasser le seuil des 4 degrés centigrade que de rester dans la limite des 2 degrés. Les auteurs demandent aux pays développés d’agir sans attendre en réduisant les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 80 pour cent par rapport aux niveaux de 1990 d’ici 2050 et de 30 pour cent d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 1990..

Les pays en développement, pour leur part, devraient réduire leurs émissions de 20 pour cent d’ici 2050 par rapport aux niveaux de 1990. Cependant, ces réductions auraient lieu à partir de 2020 et elles seraient soutenues à travers la coopération internationale en matière de financement et de transfert des technologies à faible émission de carbone.

S’inspirant d’un nouveau modèle climatologique, le rapport suggère un « budget d’émission du carbone pour le 21ème siècle » afin de ne pas dépasser ce seuil de 2 degrés. Tout en reconnaissant la menace que constitue l’augmentation des émissions des grands pays en développement, les auteurs font valoir que les gouvernements du nord doivent opérer une réduction profonde et immédiate des émissions. Ils indiquent que les pays riches portent la responsabilité historique du changement climatique, que leur bilan carbone est bien plus lourd, et qu’ils disposent des capacités financières et technologiques nécessaires pour agir.

La lutte contre le changement climatique suppose des mesures de politique générale susceptibles de combler le hiatus entre les déclarations de sécurité climatologique et les politiques énergétiques menées pour éviter les changements climatiques dangereux. Parmi les plus importantes peuvent être citées :

- Le système de « cap-and-trade » (1) encouragé par le relèvement progressif des taxes sur le carbone. Celles-ci n’impliqueront pas nécessairement une charge fiscale plus élevée car elles pourraient être compensées par des déductions fiscales sur le revenu du travail .

- Des normes réglementaires plus strictes. Le rapport demande aux gouvernements d’adopter et de faire appliquer des normes plus strictes sur les émissions des véhicules, des bâtiments et des appareils électriques.

- Un soutien pour le développement de l’approvisionnement en énergie à faible émission de carbone. Le rapport met en avant le potentiel inexploité des énergies renouvelables utilisées, et des technologies de pointe telles le captage et le stockage du carbone (CSC). On peut regretter qu’il ne mentionne qu’épisodiquement le recours à l’énergie nucléaire, en oubliant que les nouvelles générations de centrales (4e génération puis fusion) devraient résoudre beaucoup des inconvénients des centrales actuelles notamment en matière de production de déchets.

- La coopération internationale pour le financement et le transfert de la technologie. Les auteurs notent que les pays en développement n’adhèreront pas à un accord qui n’offre aucune incitation et menace d’entraîner une augmentation du coût de l’énergie. Le rapport plaide en faveur de la création d’un Fonds d’atténuation des changements climatiques (FACC) pour financer chaque année, à hauteur de $25-50 milliards, les investissements supplémentaires pour les énergies à faible émission de carbone pour permettre la réalisation des objectifs partagés en matière de changement climatique.

- Concernant les coûts de la réduction et se fondant sur des travaux de modélisation économique, le Rapport estime que le coût de la stabilisation des gaz à effet de serre à des concentrations de 450 parties par million (ppm) pourrait se limiter, en moyenne, à 1,6 pour cent du produit intérieur brut (PIB) mondial d’ici 2030 soit moins de deux tiers des dépenses militaires annuelles actuelles. Ces chiffres sont à rapprocher du coût de l’inaction qui sera beaucoup plus élevé, en termes économiques, sociaux ou humains.

Mesures à prendre pour l'adaptation

La lutte contre le changement climatique ne doit pas faire négliger l’adaptation, c’est-à-dire les mesures telles que les constructions de digues permettant de protéger les habitats et les zones agricoles ou industrielles des catastrophes climatiques prévues. Même avec des mesures de réduction draconiennes, le monde n’échappera pas au réchauffement pendant la première moitié du 21ème siècle. Il faut donc se préparer à lutter contre ses effets, bien analysés désormais par les géographes et les environnementalistes. S'agissant de l'adaptation, le rapport met en garde sur le fait que les inégalités en matière de capacité à s’adapter au changement climatique creusent de plus en plus les inégalités entre et dans les pays. Il demande aux pays riches de placer l’adaptation au changement climatique au cœur des partenariats internationaux pour la réduction de la pauvreté.

Or il existe des inégalités extrêmes en termes de capacité d’adaptation. Les vulnérabilités à court terme ne sont pas l’apanage de Manhattan et de Londres, mais plutôt des zones du Bangladesh menacées par les crues et des régions d’Afrique sub-saharienne menacées par la sécheresse. Les pays riches investissent des sommes considérables dans les systèmes de défense contre les changements climatiques, les gouvernements prenant les devant. À l’inverse, dans les pays en développement « les pauvres du monde sont abandonnés à leur sort, avec leurs maigres ressources », écrit Desmond Tutu, Archevêque émérite du Cap dans le rapport, ce qui crée « un monde caractérisé par un “apartheid de l’adaptation” ».

La coopération en matière d’adaptation a été quasi nulle à ce jour. Selon le rapport, le total des dépenses en adaptation consenties par le biais des mécanismes multilatéraux s’élève à $26 millions—environ l’équivalent d’une semaine de dépenses pour les systèmes de défense face aux inondations du Royaume-Uni.

Pour changer cette situation, le rapport préconise diverses mesures :

- Un financement supplémentaire pour les infrastructures contre les changements climatiques et pour la résistance des bâtiments, les gouvernements du nord devant allouer au moins $86 milliards par an d’ici 2015 (environ 0,2 pour cent de son PIB).

- Un soutien international accru pour le renforcement de la capacité de surveillance météorologique de l’Afrique sub-saharienne et l’amélioration de l’accès public aux informations météorologiques. Les réseaux de satellites seront indispensables.

- L’intégration de la planification de l’adaptation dans les stratégies de réduction de la pauvreté et des inégalités extrêmes, y compris dans les documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté.

1/ Dans le système dit « cap and trade », les entreprises se voient attribuer des plafonds de pollution autorisés. Celles qui dépassent ces plafonds peuvent acheter des « bons » à celles qui ne les atteignent pas, dans la limite des quantités de pollution non réalisées par ces dernières. Les deux parties sont donc incitées à réduire leur pollution, les premières parce que la pollution leur coûte cher et les secondes parce que la non-pollution leur rapporte. Les échanges peuvent se faire de secteur professionnel à secteur professionnel : par exemple entre aciéries et cimenteries.