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Pour approfondir cette question, nous conseillons en ce qui concerne la cosmologie la lecture des ouvrages et du site Internet de l’astrophysicien français Christian Magnan, déjà cité ( http://www.lacosmo.com/index.html ) Concernant la gravitation quantique, on lira le dernier livre, non traduit, d’un théoricien américain de la question, Lee Smolin, précité (The Trouble with Physics : The Rise of String Theory, the Fall of a Science and What Comes Next 2006), ainsi que son livre précédent (Three Roads to Quantum Gravity, 2001). La cosmologie est une des branches de la physique qui étudie l’univers dans son ensemble, ainsi que les différents objets et forces qui le composent. C’est une science qui parle particulièrement à l’imagination car elle rejoint les étonnements des premiers hommes quand ils ont pris conscience de l’existence des astres. Inévitablement, elle rejoint aussi l’imaginaire mythologique et religieux car c’est dans le ciel que ces mêmes hommes avaient placé les dieux. La cosmologie offre un support particulièrement fécond aux auteurs de science-fiction. La cosmologie fait appel à de nombreuses sciences utilisant des instruments de plus en plus sophistiqués : l’astronomie et l’astrophysique notamment, qui utilisent des observatoires à terre ou embarqués sur des satellites et des sondes. Mais comme les objets célestes sont faits de matière et d’énergie, la cosmologie doit tenir compte, quand elle étudie les états extrêmes de la matière, non seulement de la physique macroscopique mais de la physique subatomique, où règne en maîtresse depuis quelques décennies la physique quantique. En l’état actuel de la physique cependant,
il apparaît encore impossible d’unifier la cosmologie dont
la relativité générale constitue le fondement avec
la physique quantique qui considère la matière aux échelles
extraordinairement petites dites de Planck (voir ci-dessous). Dans la
perspective de cette unification future, dite de la gravitation quantique,
des hypothèses entièrement théoriques ont été
présentées dont la plus connue est la théorie des
cordes (string theory). Nous illustrerons les considérations de
cet article relatives aux hypothèses cosmologiques par un petit
développement, non sur la théorie des cordes, laquelle dépasse
largement notre compétence, mais sur la pertinence de présenter
celle-ci comme une théorie. En pratique comme au plan épistémologique, depuis le début de la cosmologie, il a fallu distinguer entre une cosmologie expérimentale et une cosmologie théorique. L'une et l'autre élaborent des hypothèses. La plus grande liberté doit régner à ce stade. Mais la cosmologie expérimentale ne conserve pour en faire des "théories" que les hypothèses pouvant être validées instrumentalement. La seconde n'hésite pas à proposer sous le nom de théories des hypothèses dont en l'état actuel et prévisible de l'expérimentation elle ne peut apporter la démonstration. L'exemple le plus connu de la démarche de la cosmologie expérimentale concerne l'hypothèse de la Relativité générale proposée par Einstein en 1905. Elle n'est devenue théorie - avec le succès que l'on sait - que lorsqu'elle a pu être vérifiée en 1919 par l'observation de la déviation des rayons lumineux sous l'influence de la masse solaire lors d'une expérience conduite Arthur Eddington. A partir de la théorie d ela relativité ainsi vérifiée ont été calculés des modèles d'univers, dont certains étaient en expansion. Cette dernière hypothèse a été validée ultérieurement grâce aux observations de l'astronome Hubble constatant le décalage vers le rouge de la lumière reçue des galaxies. L'expansion ainsi vérifiée a permis de formuler l'hypothèse du Big Bang qui a son tour a été confirmée par nombre d'observations. Le Big Bang, malgré son caractère de Singularité contre-intuitive, est ainsi devenu un fait scientifique aujourd'hui peu contesté. Mais très vite un certain nombre de cosmologistes sont allés plus loin. Ils ont envisagé des modèles d’univers très difficilement vérifiables, sinon impossibles à vérifier dans l’état actuel des instruments et prévisibles des instruments. Ils se sont appuyés pour cela sur des hypothèses suggérées par des calculs mathématiques. C’est ainsi qu’un certain nombre de modèles d’univers existent aujourd’hui selon lesquelles l’univers serait non seulement plat mais infini. Plus exotique encore est l’hypothèse, plusieurs fois rappelée dans notre livre, du multivers, selon laquelle existerait une infinité d’univers probablement tous différents. La théorie des cordes, évoquée ici, pousse le processus à ses limites puisque, selon ses équations, le nombre des univers possibles apportant une solution à celles-ci serait, sinon infini, du moins extrêmement grand, sans possibilité de discriminer entre eux. De tels modèles ne sont pas vérifiables et risquent de ne pas l’être avant longtemps (nous ne dirons pas jamais car le terme ne serait pas scientifique). Ils relèvent donc de la cosmologie théorique au sens propre. Ils occupent pourtant de par le monde des centaines de chercheurs réputés, mobilisant des crédits nécessaires à la réalisation d’expériences qui seraient pourtant bien utiles, comme la mission Planck de l'ESA visant à reprendre avec plus de précision la mesure de l’anisotropie du rayonnement micro-ondes de fond de ciel réalisée par la sonde américaine Wilkinson. Ceci conduit certains astrophysiciens à s’interroger sur le caractère véritablement scientifique des hypothèses formulées par les cosmologistes théoriciens. C’est le cas de cas de Christian Magnan. Nous venons de voir qu'il nie le caractère scientifique de l’hypothèse anthropique, en s’appuyant sur le fait que nous ne connaissons qu’un univers, le nôtre, que nous ne pouvons l’observer que de l’intérieur et qu’il nous est donc strictement impossible d’envisager comment d’autres univers pourraient être ou non favorables à la vie. Dans d’autres articles, il a refusé le concept d’infini appliqué à l’univers, où il voit une résurgence non seulement invérifiable mais dangereuse du concept d’un Dieu infini. Pour lui, l’univers est fini mais courbe. Cette dernière hypothèse est ou pourra être un jour vérifiée expérimentalement. Il va plus loin dans la réfutation en n’acceptant pas que l’on puisse scientifiquement envisager la présence de la vie ailleurs que sur Terre, alors que toutes les expériences à ce jour montrent non seulement que la Terre est unique dans le cosmos mais que la vie y a été un phénomène unique. Il considère donc que ceux de ses collègues cosmologistes qui défendent des thèses différentes se rendent coupables de ce qu’il appelle gentiment (ou perfidement) « de gros mensonges » ( http://dogma.free.fr/txt/CM-MonsongesCosmologistes.htm ) en se faisant volontairement ou non complices de préjugés spiritualistes sinon religieux. Nous verrons que Lee Smolin, dans sa contestation de la théorie des cordes, procède de même. Il s’élève contre la prolifération actuelle des hypothèses relatives à cette dernière ou à sa version plus" trendy " dite de la M. Théorie alors que selon lui, des hypothèses différentes pourraient permettre de tester avec les moyens instrumentaux actuels ou prévisibles d’autres hypothèses intéressant la Gravitation quantique. Que penser de cette sorte de radicalisme qu’un matérialiste pourrait a priori juger sympathique ? Faut-il condamner tous les travaux de la cosmologie théorique ? Il nous semble que le bon sens impose de distinguer, en cosmologie comme d’ailleurs dans toutes les autres sciences, ce qui est formulation de modèles, mathématiques ou non, testables à terme (falsifiables, aurait dit Popper) et ce qui relèverait véritablement de la réintroduction de mythologies religieuses ou imaginaires lesquelles se refuseraient à l’épreuve de l’expérience, tout en se parant du prestige de la démarche scientifique. Mais sur cette pétition de principe, tous les scientifiques s‘accorderont sans doute. La question est de savoir où faire passer la limite entre démarche scientifique et mensonge, pour reprendre le terme de Christian Magnan. Afin de résoudre cette difficulté, il n’y a qu’une solution, sauf à recourir à des arguments d’autorité : c’est laisser un libre débat s’instaurer entre scientifiques défendant des points de vue différents. Prenons la question de l’exobiologie, c’est-à-dire la réflexion sur ce qui caractérise la vie et la possibilité de trouver ailleurs dans l’univers des formes de vie, semblables ou différentes au regard de celles que nous connaissons sur Terre. Christian Magnan apporte de nombreux arguments scientifiques pour défendre l'hypothèse que nous sommes uniques dans l'univers. Le nombre estimé des planètes susceptibles d'accueillir des formes de vie proches de la vie terrestre, bien que très grand, est très petit par rapport à celui qui serait nécessaire pour que la vie puisse apparaître ailleurs à partir du processus dit du hasard et de la nécessité proposé par Jacques Monod. Par ailleurs, Christian Magnan refuse l'argument d'autorité proposé par les théoriciens de l'émergence du complexe à partir du simple. Selon ce raisonnement, la vie ne peut pas ne pas apparaître dès lors qu'un minimum de conditions physiques sont réunies. Pour lui, cet argument n'est qu'une image qui, dans le cas de la vie, n'a jamais pu être vérifiée. On lui a objecté qu'en défendant l'hypothèse du caractère unique de l'apparition de la vie (comme de celle du Big Bang précédemment évoquée), il conforte le discours biblique relatif à la création. Mais peu lui importe. Il serait indigne d'inventer des légendes matérialistes pour les opposer aux légendes spiritualistes. Ceci dit, rien n'interdit de rechercher des formes de vie extraterrestres, si on dispose de temps et d'argent pour cela. Une bonne surprise n'est jamais à exclure. Evoquons l'autre problème, celui de l’infini en cosmologie. Il est exact, comme le rappelle Christian Magnan, qu’imaginer un univers infini parait n’avoir aucun sens physique. L'infini est un concept mathématique (ou théologien) qui n'a d'usage que là. Il n'est absolument pas vérifiable. Ce n'est pas le cas en ce qui concerne les modèles d’univers courbes fermés, fut-ce à faible courbure, qui sont aujourd’hui susceptibles de vérification expérimentale. De tels modèles sont compatibles avec l'observation de l'expansion, mais celle-ci ne saurait être infinie. Christian Magnan sur ce point admet sans difficulté l'hypothèse d'une expansion conduisant, après avoir atteint au bout d'un temps très grand sa dimension maxima (dans laquelle toutes les galaxies mêmes les plus anciennes deviendraient visibles) à une contraction jusqu'à un Big Crunch, retour à la Singularité. Ceci veut dire qu'il n'apporte aucun crédit à l'hypothèse actuellement à la mode de l'énergie noire, selon laquelle une constante gravitationnelle (ou plutôt anti gravitationnelle) très forte provoquerait une expansion accélérée infinie. Cette hypothèse, outre qu'elle introduit à nouveau le concept d'infini, repose selon lui sur des observations extrêmement fragiles portant sur des différences dans les mesures de distance de galaxies très anciennes faites à différents intervalles de temps. Comment peut-on dit-il accorder foi à des différences si infimes alors que la marge d'erreur sur la distance entre la Terre et la galaxie d'Andromède, la plus proche de nous, dépasserait 25%. Ceci prouve d'ailleurs que les vérifications expérimentales elles-mêmes ne peuvent être acceptées sans une critique approfondie quand elles visent à valider des hypothèses un peu fragiles. Nous pouvons donc dire avec Christian Magnan qu’introduire en cosmologie des concepts purement mathématique, celui d’infini ou celui de nombres immensément grands, n’a pas de sens. Est-ce que cela relève du mensonge ou de l’erreur de parcours. Laissons à chacun le droit d’apprécier.
Qu’en est-il de la gravitation quantique ? L'humanité a toujours situé ses perceptions et activités immédiates dans le temps et l'espace, mais en concevant ceux-ci, y compris dans la physique newtonienne, d'une façon conforme à ses croyances religieuses. Relativité générale, d'abord, mécanique quantique ensuite ont radicalement changé cela, en imposant des représentations contre-intuitives du temps et de l'espace. Mais elles se sont révélées ce faisant incomplètes et limitées. Plus grave, on ne peut les rapprocher. Leur principale différence tient au statut de l'observateur. Dans la Relativité, l'observateur est, comme dans la physique newtonienne, extérieur au monde qu'il observe. Il n'influe pas sur lui. On a vu que ce n'est pas le cas dans la mécanique quantique. Par contre celle-ci ne remet pas en cause la conception newtonienne du temps et de l'espace, contrairement à la Relativité. Il faudra trouver une nouvelle théorie qui fasse la synthèse des deux. Ce sera la théorie quantique de la gravitation, qui unifiera la théorie quantique des forces et particules élémentaires avec la théorie de la gravitation, force jusqu'ici restée en dehors, car s'exerçant dans un autre domaine, comme l'a montré Einstein, celui du temps et de l'espace cosmiques. Plusieurs routes sont actuellement suivies par les chercheurs pour aboutir à la gravitation quantique : la première développée à partir de la physique quantique qui donne naissance à la théorie des cordes (string theory), la seconde développée à partir de la Relativité générale qui donne la théorie de la gravité quantique en lacets ou en boucles (loop quantum gravity). Bien que différentes, ces deux approches pourraient se compléter et se rejoindre. L'une et l'autre décrivent le temps et l'espace à l'échelle dite de Planck, soit (pour ce qui concerne l'espace) une dimension 10 puissance 20 fois plus petite que celle du noyau de l'atome. La 3e voie est celle, selon Lee Smolin, de quelques chercheurs qui refusent les bases à la fois de la physique quantique et de la Relativité générale et cherchent à développer des concepts et formalismes entièrement nouveaux. Ils poseraient des questions telles que "qu'est-ce que le temps" et "Comment décrire un univers auquel nous participons" qui, toujours selon Smolin, devraient être à la source des avancées conceptuelles de l'avenir. Parmi eux se trouve le mathématicien français Alain Connes, qui a proposé une toute nouvelle géométrie non commutative, susceptible de rendre de grands services dans la mathématisation de cette vision. On y compte aussi David Finkelstein, Christopher Isham, Raphael Sorkin et le vétéran Roger Penrose. Lee Smolin, qui se dit d'un tempérament optimiste, estimait en 2001 que ces trois voies différentes devraient converger très vite, en donnant naissance à la nouvelle théorie physique que tous le monde attend depuis plus d'un demi-siècle. Cette nouvelle théorie devrait reposer sur plusieurs postulats ou repères qui modifient considérablement notre façon de voir les choses dans l’univers macroscopique newtonien qui sert de cadre à nos représentations.
Un premier repère consiste à rappeler que pour les physiciens, comme pour les scientifiques en général, il n'existe rien en dehors de l'univers, qui puisse être utilisé d'une quelconque façon pour expliquer ses origines, son avenir ou son fonctionnement. L'univers est un système clos. Toute chose ou entité intérieure à lui ne peut être définie, en position, en vitesse ou autrement, que par rapport à d'autres entités également intérieures à lui. Ceci exclut par conséquent l'hypothèse d'un espace ou d'un temps " absolus " (ceux de Newton) dans lesquels l'univers serait situé. Smolin compare l'espace à une phrase. Celle-ci n'a de sens que par les mots qu'elle contient. Elle n'existe pas sans eux. Elle adopte la forme géométrique que les mots lui confèrent. On en déduit qu'il serait absurde de parler d'un univers qui ne contiendrait rien. Ceci exclue également, comme le rappelle avec insistance Christian Magnan, de prétendre faire une science des univers, supposant que nous puissions en comparer plusieurs sans nous inclure dans chacun d’eux. Autrement dit, les hypothèses dites du multivers n’ont de sens que théorique. Faut-il pour autant les refuser. Nous n’irions pas jusque là. Le moins que l’on puisse dire est qu’elles suscitent l’imagination créatrice des chercheurs. Dans cette façon de voir le monde, celui-ci n'est pas autre chose qu'un réseau évolutif de relations. Il en est de même de chaque chose. Les choses ne sont pas des absolus, qui puissent se définir par rapport à un cadre extérieur fixe. Elles sont des nœuds relationnels. Lee Smolin rappelle que Leibniz a eu le mérite de s'opposer à l'espace absolu de Newton qu'il jugeait illogique. Il a soutenu une conception relationnelle de l'univers, reprise par Mach à la fin du 19e siècle. Mais la science de l'époque n'avait pas le recul suffisant pour refuser l'absolu du temps et de l'espace, qui convenait bien pour illustrer l'idée alors prédominante d'une divinité située au-dessus du monde sensible. La Relativité générale de Einstein fut la première théorie scientifique à décrire le monde comme composé de relations entre particules de matière soumises au champ gravitationnel. Les points de l'espace n'y ont pas d'existence en eux-mêmes, mais seulement comme intersection entre lignes de ce champ. Ces lignes évoluent avec le temps et ne peuvent donc fournir de références absolues. Il en est de même du temps. Il n'y a pas d'horloge universelle pour le mesurer. Là encore le temps se décrit en termes de changements dans le réseau des relations qui composent l'espace. Tout ce dont on parle est donc indépendant d'un arrière-plan (il s'agit de la propriété dite de la background independance). Cette propriété explique pourquoi il est difficile d'établir une théorie de la Gravitation quantique à partir de la Relativité générale : comment y parler de points si ceux-ci ne peuvent pas y être identifiés de manière absolue, mais seulement par référence à un réseau de relations ?
Selon la nouvelle Gravitation quantique, comme en physique
quantique, il ne sera plus possible de distinguer l'observateur de l'observé.
L'observateur ne disposera jamais de toute l'information nécessaire
pour décider du vrai ou du faux. Ainsi la cosmologie abandonnera
le préjugé scientifique qui est encore le sien, comme il
est encore celui de l’astronomie, selon lequel la science ne peut
prétendre à l'objectivité qu'en ne prenant pas en
compte l'observateur. Celui-ci, selon ce préjugé, doit s'exclure
du système observé afin de ne pas le contaminer. Mais la
démarche devient impossible quand ce système est l'univers
entier. C’est une difficulté. On sait que tout observateur,
où qu'il soit dans l'univers, ne peut rien voir de celui-ci au-delà
de ce qui parvient dans son cône de lumière, défini
par le temps que met la lumière pour l'atteindre. Il en résulte
que la logique classique, selon laquelle une chose est vraie ou fausse,
n'est plus applicable. Un observateur donné peut prouver que tel
événement de l'univers est vrai alors qu'un autre observateur,
n'étant pas informé de la même façon, ne le
peut pas. On parle alors d'une logique "cosmologique" ou dépendante
de l'observateur, formalisé sous le nom de Topos Theory, notamment
par Christopher Isham Dans ces conditions, la rationalité d'un jugement ou d'une décision ne dépendra pas de la référence que l'on pourra faire à ce qu'un observateur extérieur au monde, qui verrait tout, pourrait en dire, non plus qu'à telle ou telle éthique prétendument inspirée par lui. Le seul jugement acceptable sera celui qui résultera du rapprochement du point de vue de nombreux observateurs ayant du monde une perception différente, et tentant d'en déduire une conception commune.
Le troisième repère proposé est relatif à la façon dont la science doit se reconvertir pour tenir compte du fait que l'observateur est intérieur au système observé, chaque observateur ayant une vue limitée du système et différents observateurs ayant sur celui-ci des informations différentes.. Pour progresser, la Gravitation quantique doit appliquer la mécanique quantique à l'univers entier, alors que cette dernière ne concernait initialement que les systèmes particulaires. Il s'agit essentiellement d'étudier les systèmes macroscopiques en tenant compte du principe de superposition et de la relation d'incertitude, fondements indiscutés de la physique quantique. On ne peut connaître complètement l'état d'un système, quand cet état résulte de la superposition de deux états, mesurant par exemple l'un sa position et l'autre sa vitesse. Dans ces conditions l'état mesuré du système décrit soit sa position, soit sa vitesse, mais non les deux. Ceci veut dire, en termes plus philosophiques, que dans de tels cas, on renonce à connaître l'état du système en soi. (l'état superposé du système). On ne le décrit qu'à partir des informations que l'on peut obtenir sur lui, nécessairement partielles. Lorsque l'observateur est inclus dans la description du système, l'incertitude s'étend à lui, comme à tous ceux qui utilisent le modèle de description utilisé. Il y a corrélation dans la superposition de tous les états quantiques, tant de l'observé que des observateurs. Cette superposition et l'incertitude qui en découle s'étendent-elles à l'univers entier ? Oui répond selon Smolin la "cosmologie quantique conventionnelle". Mais quel sens donner alors au fait que l'univers macroscopique dans lequel nous vivons ne nous apparaisse pas en état de superposition ? Plusieurs théories ont été élaborées pour résoudre le paradoxe, dont celle dite de la décohérence. Si nous percevons l'univers d'une certaine façon et non autrement, c'est parce que nous lui posons des questions particulières qui éliminent les autres solutions théoriquement possibles. Plus précisément les questions posées doivent éliminer la possibilité de réponses en superposition (consistent history formulation). On a présenté ceci autrement en disant que le monde exprimable en termes quantiques est unique. Mais ce monde unique comporte des histoires différentes, également consistantes, qui seront produites par des jeux de questions appropriées. Du fait cependant que tout ceci est encore en débat, on retiendra une conclusion d'attente utilisable dans la description du monde en termes quantiques. On peut élaborer de nombreuses descriptions quantiques d'un même univers. Chacune d'elle dépendra de la façon dont on divisera l'univers en deux parts, l'une contenant l'observateur et l'autre ce que l'observateur souhaite décrire. Chaque théorie formulera en termes quantiques ce que tel observateur particulier verra dans la partie de l'univers qu'il a décidé d'étudier. Toutes ces descriptions seront différentes, mais elles devront être cohérentes ou consistantes entre elles. Les parties observées peuvent être en état de superposition, mais chaque observateur ne se décrit pas lui-même en état de superposition, car sa description l'exclut. On exprimera ceci en disant qu'il existe un univers unique vu par différents observateurs plutôt que des univers différents vus par un seul observateur prétendument placé en dehors du système.
Le quatrième repère proposé par Lee Smolin paraîtra sans doute moins abstrait que le précédent. Dans le monde macroscopique, si à la rigueur on peut décrire les objets inanimés comme tels, on ne peut le faire des personnes. Ce sont les événements qui font leur histoire, histoires qui peuvent seules les décrire. En fait, cette constatation s'applique aux objets inanimés eux-mêmes. On distinguera les objets et les êtres vivants par le fait que les processus qui les animent sont lents pour les premiers et rapides pour les seconds. Or la science classique considère que la science doit étudier des objets aussi fixes que possible. S'ils sont en mouvement, on essaiera de les décrire par des séries d'observations restituant l'impression d'immobilité. Cette démarche n'est pas acceptable, ni en Relativité générale ni en physique quantique. L'une et l'autre insistent sur le fait que le monde n'est pas fait d'objets mais de processus. Le mouvement et le changement sont les premières réalités à prendre en considération, dès que l'on veut sortir des illusions pour atteindre au fondamental. Il convient donc d'apprendre un langage qui privilégie le mouvement à l'immobilité. On dira en ce cas que l'univers consiste en un tissu d'événements. L'événement n'est pas un changement touchant un objet statique. C'est un changement et rien de plus. Un univers d'événements est dit un univers relationnel. Ses propriétés dont décrites en termes de relations entre événements. La relation la plus courante est la relation de causalité, la même causalité qui permet de relier une série d'événements au sein d'une "histoire". Dans un tel monde, le temps n'est pas situé ailleurs. Le temps et la causalité sont synonymes. On ne peut pas décrire en soi un univers de causalités. On ne peut le décrire qu'en racontant son histoire. Un univers causal ou relationnel peut être analysé comme fait de transports d'informations. Chaque événement peut être considéré comme un transistor qui reçoit de l'information d'un événement précédent, la calcule et la renvoie vers des événements de son futur. L'univers entier sera dans ce cas comparable à un ordinateur, sauf que ses circuits seront évolutifs en fonction de l'information qui y circulera. La notion d'univers causal n'est pas étrangère à la Relativité générale. Celle-ci considère exactement l'univers comme un univers causal ou relationnel. Rien ne pouvant y voyager plus vite que la lumière, les rayons lumineux émis par un événement définissent les limites extérieures de l'avenir de cet événement. C'est le cône de lumière d'un événement. Les objets massifs courbent les cônes de lumière dans leur voisinage… Mais la notion de structure causale de l'univers ne précise pas le nombre et la nature des événements. Si c'était le cas, on saurait tout de l'univers depuis son origine. Pour aller plus loin, on peut faire l'hypothèse que les apparentes continuités de l'espace et du temps sont des illusions. La Gravitation quantique suggérera que l'histoire de l'univers est faite d'un très grand nombre de petits événements élémentaires discrets. Pour les trouver, il faut descendre à l'échelle de Planck, là où les effets de la gravité et ceux de la mécanique quantique s'équivalent. L'échelle de Planck est établie en s'appuyant sur les constantes élémentaires de la physique, la constante de Planck (mécanique quantique), la vitesse de la lumière (relativité restreinte) et la constante gravitationnelle (Newton). Ces échelles, nous rappelle Lee Smolin, sont incroyablement petites. Un clin d'œil prend autant d'unités de temps fondamental que le Mont Everest a d'atomes. On parle aussi de la température de Planck, si élevée que les structures de la géométrie de l'espace y fondent. Tout ceci montre que notre connaissance de l'univers est encore infime au regard de ces "réalités premières". Nous en savons autant, dit Smolin, qu'un pingouin en sait du mécanisme de la bombe atomique. Notre monde tel qu'il nous apparaît est en tous cas incroyablement gros, lent et froid au regard de l'univers fondamental. Les particules élémentaires ne sont pas des objets mais des processus se déroulant aux échelles de Planck.
La théorie des cordes relève-t-elle des mensonges de la cosmologie tels que les définit Christian Magnan ? Nous avons vu que celui-ci considère comme recevables à ce jour l’hypothèse du Big Bang et celles des Trous noirs, en accord en cela avec Jean-Pierre Luminet ( L’univers chiffoné, Fayard 2001 voir http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2001/mar/jp_luminet.html ). Mais il ne pense pas la même chose de la théorie des cordes. En fait, il refuse de se prononcer sur elle. Nous avons seulement pour notre part trouvé dans sa littérature ce passage qui dépeint clairement son point de vue. Il écrit ceci (juin 2001) : « Il existe une théorie qui en est au stade de la pure hypothèse et qui ne peut pas encore se targuer de la moindre confirmation observationnelle : c'est la « théorie des cordes». Jusqu'à présent elle présente un caractère assez gratuit car à part l'intérêt de conduire à la réunification des « forces » physiques, elle n'a établi encore aucun contact avec la réalité, contact qui est pourtant la condition sine qua non d'une validation éventuelle de ce modèle physique. Vraie ou pas vraie ? Il est bien trop tôt pour le dire mais les chercheurs qui sont spécialisés dans ce domaine auraient tendance à « vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué ». Une petite anecdote : lors d'une conférence j'introduisais mon sujet en prétendant qu'aucune découverte théorique majeure n'avait été accomplie en physique dans la deuxième moitié du XXe siècle. À la fin de la conférence un cosmologiste m'a critiqué en soutenant que la théorie des cordes était véritablement la découverte majeure que j'aurais souhaitée. Diable ! La théorie des cordes, théorie majeure des dernières décennies ? Il faut quand même du « culot » pour lancer l'affirmation. Je n'ai pas été convaincu par un simple argument d'autorité... Que la théorie fasse d'abord ses preuves ! En science, la vérité se démontre ». C’est exactement le point de vue aujourd’hui de Lee Smolin. Dans le premier de ses ouvrages (Three Roads to Quantum Gravity) il considérait comme nous l'avons indiqué que la théorie des cordes, qui avait fait le succès médiatique de Brian Greene (Un univers élégant),était une des voies permettant d’accéder à la Gravitation quantique. Aujourd’hui, il ne raisonne plus de même. Dans son dernier ouvrage, il explique que la théorie des cordes (dite aussi ambitieusement « Théorie du Tout », est une voie sans issue. Ce n’est même pas pour lui une théorie complète mais une conjecture. Les théoriciens des cordes n’ont jamais été en mesure de prouver aucune de leurs idées exotiques et ne semblent pas être capables de l’être à horizon visible. Les auteurs de la théorie se sont laissés entraîner par le désir de bâtir quelque chose d’élégant (de mathématiquement élégant) sans se préoccuper de prévoir des possibilités de vérification expérimentale. Il est vrai que ce faisant ils ont attiré à eux les financements, en privant de crédits des jeunes physiciens qui pourraient explorer des voies beaucoup plus prometteuses, testables et finalement plus « raisonnablement » révolutionnaires. C’est parmi eux, estime Smolin, que nous devrions chercher le nouvel Einstein. Pour reprendre la terminologie un peu rude de Christian
Magnan, nous pourrions donc envisager de ranger Brian Greene et ses collègues
de la théorie des cordes parmi les « gros menteurs »
- ceci sans perdre l’espoir que cette théorie puisse à
l’avenir devenir plus persuasive. Incitons en attendant nos lecteurs
à approfondir les considérations de Christian Magnan sur
les erreurs pouvant découler de l’illusion que l’univers
se conformerait à des modèles mathématiques alors
que rien ne permet d’affirmer que l'univers soit mathématique
dans ses profondeurs ni même qu’il soit régulier.
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