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L'Europe et le vide de puissanceEssais sur le gouvernement de l'Europe au siècle des Super-États Éditions Jean Paul Bayol - sortie mai 2008 |
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Annexe 2.L’Inde vue par Eva Charrin
Eva Charrin a le mérite de montrer que l'Inde, parfois présentée comme la plus grande démocratie du monde, est assez éloignée de nos conceptions iréniques de la démocratie. La "démocratie" ne concerne que 50 millions de personnes sur 1 milliard d'habitants. Il s'agit de « riches » au regard des critères du pays définissant comme riche un foyer gagnant quelques milliers d'euros par an. Ces riches envoient leurs enfants dans les meilleures écoles, puis les font partir à l'étranger pour qu'ils complètent leur formation, avant de revenir animés d'une ambition insatiable. Au dessus de ces riches se trouvent des super-riches. Il s'agit d'un certain nombre de grandes familles milliardaires qui se répartissent le pouvoir politique et le pouvoir économique (nous avons appris à connaître à nos dépens la famille Mittal). Leurs représentants sont évidemment influencés par les Etats-Unis, mais il ne s'agit pas d'une admiration béate comme on la constate dans les milieux « atlantistes » français. Ils savent prendre leur distance. Ils veulent en effet jouer habilement entre les grands acteurs, Amérique, Russie, Europe bien sûr, mais aussi les autres puissances émergentes. L'Université, pour ceux qui y parviennent, est de grande qualité, meilleure sans doute que celle de la Chine. C'est une pépinière pour les inventions faisant appel à la haute technologie. Elle est en contact permanent avec une diaspora de 20 millions de personnes vivant à l'étranger et souvent employées dans des firmes high-tech et des laboratoires de pointe, notamment aux Etats-Unis. Ajoutons pour notre part qu'un des points forts de cette élite est qu'elle parle anglais de façon native. On ne soulignera jamais assez, n'en déplaisent aux défenseurs d'une francophonie repliée sur elle-même, qu'il s'agit là , déclin de l'Amérique ou non, d'un outil indispensable pour naviguer à l'aise dans le monde en train de se construire. Pour le reste des couches sociales, toujours rigidement
séparées en castes difficilement franchissables, ce sont
les brahmanes, assimilables à une classe moyenne, qui poursuivent
l'ouverture économique amorcée en 1971. En bas de l'échelle,
les Intouchables sont et resteront, sauf miracle, durablement exclus du
développement. L'illettrisme (1/3 de la population) ne préoccupe
personne, non plus que ses séquelles, comme l'esclavage des enfants,
récemment remis à l'ordre du jour par le scandale GAP. Selon
l'indice de développement humain de l'ONU, l'Inde est classée
au 127e rang sur 175 pays. Mais cette situation parait bien acceptée.
L'omniprésence de la religion joue certainement un rôle déterminant
à cet égard. On peut se demander qui dirige effectivement l'Inde ?
Sans doute pas le seul gouvernement. Sans doute pas les seules grandes
familles industrielles et commerciales. Sans doute pas les hiérarchies
religieuses. Sans doute pas non plus la presse ni l'embryon d'opinion
publique éclairée qui se forme autour des sites interactifs.
Nous pourrions dire que nous sommes en présence d'un véritable
superorganisme, dont les organes et le fonctionnement restent encore difficiles
à identifier tant pour ceux qui en font partie que pour les observateurs
extérieurs. |