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L'Europe et le vide de puissanceEssais sur le gouvernement de l'Europe au siècle des Super-États Éditions Jean Paul Bayol - sortie mai 2008 |
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Le livre de Jean-Paul Baquiast traite des questions de fond qui décideront de l’avenir de l’Europe pour des siècles. Cependant les chefs politiques de notre continent ne sont pas capables de s’accorder sur un point de vue commun concernant les plus importantes de ces questions, alors que le train du l’histoire mondial affiche la vitesse d’un TGV à côté du nôtre. Même si certains d’entre nous Européens voulions accélérer notre rythme et lui prescrire des directions, la bureaucratie se perdrait totalement dans la réglementation de détails qui sont sans importances. Bien pire, dans les questions déterminantes pour notre avenir, Bruxelles laisse agir les forces de freinage, quand il ne veut pas obliger les pays ayant choisi de bonnes directions à s’orienter dans des voies malfaisantes pour eux-mêmes et pour toute l’ Union Européenne. C’est notamment le cas quand la majorité des responsables de l’Union Européenne ne discerne pas le défi de la “globalisation”. Celle-ci comporte des dangers immenses que seule une puissance européenne forte pourrait affronter avec succès. La globalisation est le faux nom d’un effort de colonisation nouveau de l’univers derrière lequel on trouve les cercles étroits de la finance internationale et les acteurs du vieil impérialisme économique et monétaire des Etats-Unis. Leur objectif est de déclarer comme dépassés, afin de les paralyser, les efforts des Etats et de l’Union européenne, visant notamment à une politique économique indépendante. Ils veulent rendre impossible les efforts visant à résister aux manipulations financières niant les exigences de l’économie réelle. Derrière le slogan “La libre circulation du capital” s’exprime un désir de profit déchaîné. Les apôtres de cette idéologie essayent de faire croire qu’elle servirait uniquement l’intérêt des consommateurs. Pour eux, hors ce système, il n’y a pas d’alternative. Naturellement l’économie ne fonctionne pas ainsi. Sans surveillance de l’Etat, sans contrôles, sans politiques économiques et industrielles, l’économie ne marche pas. Le marché mondial laissé à lui-même finit par s’effondrer. Les marchés locaux ne peuvent jouer leur rôle que si des contrôles forts préviennent les abus et les dérives malhonnêtes. Le libéralisme à petite échelle, dont on peut apprécier les bons effets, ne fonctionne pas à grande échelle. Les marchandises fabriquée en dumping qui envahissent l’Europe sont souvent de mauvaise qualité voire toxiques; les scandales permanents qui sont les conséquences de monocultures immenses et d’élevages intensifs massifs prouvent que dans le domaine économique et politique les souverainetés nationales et européenne sont nécessaires. Malheureusement aujourd’hui, les vrais souverains ne sont pas les Etats mais les forces qui s’expriment à travers les organisations internationales, OMC, Banque mondiale, FMI. Les décisions de ces organismes sans légitimité démocratique, s’imposent à celles des Etats et de l’Union Européenne. Elles servent le plus souvent les intérêts américains. La concurrence libre au sein du marché mondial a conduit à l’écrasement des petites économies nationales en Afrique, en Amérique Latine, dans beaucoup de pays asiatique mais aussi dans beaucoup de pays européens, dont le mien, la Hongrie. Une corruption internationale de grande ampleur est l’enfant légitime de ce système. Malheureusement la contamination de la globalisation imposée et du néo-libéralisme a depuis longtemps gagné Bruxelles. Quand l’Espagne et la Hongrie veulent gérer les industries énergétiques comme une partie de leur politique économique nationale, la Commission et la Cour de Justice européennes, dépourvues répétons-le de légitimité démocratique, s’opposent à des gouvernements élus démocratiquement. Il s’agit d’une violation manifeste et brutale de la souveraineté nationale. Ainsi les gouvernements légitimés démocratiquement ne peuvent pas défendre les propres intérêts nationaux. La même chose se produit lorsque la France ou l’Allemagne veulent protéger leur environnement. On peut penser que l’ancienne tradition de planification à la française pourrait apporter des réponses modernes au défi de la globalisation. Beaucoup des idées de Charles de Gaulle, qui était aussi un grand européen, se sont avérées solides Une planification et un gouvernement économique transposés à l’échelle de l’Union Européenne, pourrait apporter à l’Europe des succès face à la concurrence dans les domaines de l’armement, de l’espace, de l’énergie, du développement technologique, des systèmes d’informations, dans la protection de l’environnement et des croissances supportables. L’introduction de l’Euro a été un immense succès, l’abandon des souverainetés nationales a bénéficié aux Etats européens. Alors que la spéculation sans scrupules des cercles financiers internationaux menace à tous moments de krach économique le système financier mondial, l’Euro, sans pouvoir l’empêcher, peut atténuer ses effets à l’égard de l’ Union Européenne. Dans un domaine tout aussi important, celui de la souveraineté scientifique et de ses conséquences économiques, les Etats européens n’a pas encore entrepris d’action contre l’impérialisme scientifique américain. Les efforts de ce pays pour faire breveter toutes les inventions, de l’ordinateur au biologique, ouvrent la porte à une nouvelle colonisation. Elle menace non seulement les pays en voie de développement mais aussi les pays développés, au premier chef l’Europe. Ces remarques ne sont pas le signe d’un anti-américanisme - au contraire! Dans beaucoup de domaines les intérêts des États Unis et ceux de l’Europe sont les mêmes. Par contre, dans la question de la globalisation, ils s’opposent. L’Europe ne peut pas accepter l’impérialisme américain, financier et culturel. Naturellement on peut discuter quelques uns des points soulevés par Jean-Paul Baquiast. Ainsi de l’importance des racines chrétiennes de l’Europe. C’est le christianisme qui a plus que tous les autres facteurs déterminé le développement culturel de l’Europe. Il reste le fond de notre culture commune. Les philosophies de Karl Marx ou de Jean-Paul Sartre ne sont pas compréhensibles sans la connaissance des racines chrétiennes de la culture européenne, même si ces auteurs les ont critiquées ensuite à juste titre. Contre le néolibéralisme qui veut par la consommation et la publicité rendre les individus heureux au sein d’une société atomisée, contre les promesses d’un libertinage sans bornes laissant les hommes sans défenses face aux manipulations de toutes sortes, il n’y a qu’une morale héritée de la tradition judéo-chrétienne qui peut offrir des protections. Cette constatation n’est bien entendu pas une remise en cause de la tradition française de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Quoiqu’il en soit, certaines objections de cette sorte ne peuvent changer le fait que Jean-Paul Baquiast donne une réponse brillante á la question de savoir comment créer une grande puissance européenne qui ne soit plus le jouet des processus mondiaux mais devienne un acteur performant au sein d’un monde à plusieurs centres. J’espère donc beaucoup que ce livre répondant à la plupart des questions de notre époque suscitera un intérêt correspondant à l’importance de son thème. Puisse-t-il trouver un écho convenable parmi les lecteurs français. J’ajouterai que ce travail si important de point de vue de l’avenir de l’Europe devrait être traduit dans les autres langues de l’Union Européenne, afin de toucher un lectorat européen aussi large que possible. Dr. Stephan Comte Bethlen de Bethlen |
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