Compléments du livre |
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Le lecteur ne doit pas conclure, à la lumière des considérations sur le vide que nous venons de présenter, que la question du vide est désormais résolue. Elle est au cœur de multiples interrogations rapportées par la presse scientifique. Le physicien américain des particules Victor J. Stenger (Sur Victor Stenger, voir http://www.colorado.edu/philosophy/vstenger/), dans un livre récent (The Comprehensible Cosmos. Where do the laws of physics come from ? Prometheus, 2006) explique que les lois de la physique (notamment les prétendues « constantes fondamentales ») ne viennent pas d’en haut, autrement dit elles ne précèdent pas le vide ou ne découlent pas de lois plus profondes intrinsèques au vide, non plus d’ailleurs qu’à une organisation logique de notre univers. Ce point de vue, notons-le, n’est pas celui de Seth Lloyd présenté dans les pages suivantes. Pour Stenger, les lois de la physique sont des inventions humaines. Mais ce ne sont pas des inventions arbitraires. Elles ne consistent pas à décrire une « réalité » physique concernant le comportement de la matière lequel serait contraint par ces lois. Elles consistent en contraintes que s’imposent les physiciens pour décrire ce comportement. En effet, les scientifiques ont découvert depuis longtemps qu’ils devaient, pour décrire objectivement la réalité, s’imposer un point de vue invariant. Les lois de la physique découlent de la nécessité d’un tel point de vue invariant. Autrement dit, nous vivons dans un cosmos compréhensible, parce que nous voulons qu’il le soit. Notre développement en dépend. Stenger prend comme exemple le principe de symétrie, qui est responsable de la plupart des lois physiques actuelles, notamment de la puissante théorie quantique. Celle-ci ne cesse de se voir confirmée par des résultats expérimentaux. Que faut-il en déduire ? Seulement que le principe de symétrie est la seule façon permettant aux physiciens de s’accorder sur des points de vue indépendants de leur propre subjectivité, comme du lieu et de l’époque où les lois en découlant sont élaborées. Mais pour Stenger (qui devient ici plus difficile à suivre car son livre comporte une bonne moitié de formules mathématiques), les symétries qui conduisent aux lois actuelles de la physique sont exactement les mêmes que celles qui s’appliqueraient si l’univers était totalement vide. Ce sont des symétries du vide. Comment alors quelque chose comme notre univers, qui est loin d’être vide, peut-il provenir du vide ? Pour Stenger, la réponse est simple. Comme les lois de la physique sont les lois de rien, nous n’avons besoin de rien pour provenir de rien. Pourquoi alors l’univers, qui n’est pas rien ? Parce que quelque chose qui n’est pas rien est plus stable que rien. Au début, il y avait le vide, gouverné par les lois du vide, mais du vide a émergé quelque chose, et quelque chose de structuré. Pourquoi ? Parce que quelque chose qui est structuré est plus stable que rien. De même l’eau liquide se change en glace (cristallisée) à basse température parce que la glace est plus stable que l’eau liquide à ces températures. Nous retrouvons là sous une autre forme une des hypothèses mentionnées dans le présent livre. Notre univers serait né d’une fluctuation aléatoire de l’énergie du vide, dont les particules auraient pu aussi bien s’annihiler que se matérialiser, par la création (elle-même aléatoire) d’un seul atome lequel aurait provoqué des décohérences en chaîne dans les particules quantiques du vide initial. Nous pouvons nous intéresser au travail de Stenger, aussi ésotérique puisse-t-il paraître, pour une raison plus immédiate, liée à la question du matérialisme. Stenger est un matérialiste convaincu. Son livre veut démonter les arguments des physiciens spiritualistes pour qui des lois de la physique, prééxistantes ou intrinsèques au vide, révèleraient l’existence d’un Dieu intemporel et immatériel. Pour lui, le vide ne révèle rien du tout en soi. Les physiciens peuvent s’accorder ou non sur l’existence de lois découlant du vide et définissant le comportement de notre univers. Il ne s’agit que d’une question d’opportunité. S’ils éliminent l’hypothèse d’un Dieu créateur, susceptible de multiples interprétations, cela leur permettra plus commodément de s’accorder sur la « réalité » d’un univers matériel objectif qu’en fait, ce faisant, ils contribueront à construire. On rejoint là le constructionnisme évoqué dans notre livre. On notera que dans un second livre à paraître en 2007, God, the Failed Hypothese. How Science shows that God does not exist (Prometheus), il aborde un thème que beaucoup de scientifiques matérialistes n’osent pas traiter de front : comment la science démontre-t-elle la non-existence de Dieu. Dans un livre précédent de 2003, (Has Science found God ?) il démontait les arguments selon lesquels la science justifiait l’existence de Dieu. Dans celui-ci, il explique que la science démontre la non-existence de Dieu, tout au moins d’un Dieu tel que le définissent les religions monothéistes judéo-chrétiennes et islamiques. Autrement dit, il n’argumente pas seulement sur l’absence de preuves positives mais sur le fait que la science apporte des preuves très fortes à l’affirmation que Dieu n’existe pas. Non seulement l’univers ne montre aucun indice de l’existence d’un Dieu quelconque mais encore il se révèle être exactement tel qu’il devrait être s’il n’y avait pas de Dieu. Dans un dernier chapitre, il explique pourquoi, selon lui, il est préférable de vivre dans un monde sans Dieu. - Nous ne pouvons pas ici faire la revue de toutes les
thèses récentes intéressant la cosmologie. Signalons
cependant, à propos de l’origine de l’univers, le livre
d’Alex Vilenkin, directeur de l’Institut de Cosmologie de
l’Université Tufts, Many worlds in one. The search for other
universes, Hill and Wang 2006. Pour lui, l’univers est issu de rien.
Pas seulement d’un espace vide, ni d’un vide physique, et
moins encore du vide quantique, mais de rien, du rien pur et simple. Il
démontre sa thèse dans ce livre d’une façon
qui ne convaincra peut-être pas tous les lecteurs, mais cependant
les passionnera. Ajoutons en forme de plaisanterie que les Chrétiens
ne pourront pas cependant arguer que ce rien est précisément
Dieu car si Dieu était rien, il ne serait pas Dieu. - |
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