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C'est sur la base du nouveau regard sur le monde proposé par la physique quantique et pour le rendre applicable à l'ensemble des connaissances que Mioara Mugur-Schächter a voulu construire MCR de façon systématique. Elle était particulièrement légitime à faire ce travail, ayant conduit elle-même des recherches brillantes en physique et travaillé, jeune, avec les plus grands scientifiques de la génération précédente. Le nouveau regard apporté par la physique quantique, tout le monde le sait désormais, a signé, tout en moins dans cette discipline, la mort du « réalisme des essences », selon lequel il existerait une réalité indépendante de l'observateur, composée d'« objets » que l'observateur pouvait décrire « objectivement », en s'en approchant de plus en plus grâce à des instruments de plus en plus perfectionnés. Les physiciens de la grande époque de l'Ecole de Copenhague s'étaient aperçus qu'ils ne pouvaient absolument pas rendre compte de ce que montraient leurs instruments s'ils continuaient à faire appel au réalisme. Mais s'ils ont jeté les bases d'une nouvelle méthode, ils n'en ont pas tiré toutes les applications épistémologiques. Beaucoup de leurs successeurs ne l'ont d'ailleurs pas encore fait. Mioara Mugur-Schächter fut véritablement la première à proposer de généraliser cette méthode à l'ensemble des sciences. Son mérite est au moins aussi grand que celui de ses prédécesseurs. Nous pouvons observer que c'est en premier lieu le perfectionnement des instruments d'observations appliqués aux phénomènes de l'électromagnétisme et de la radioactivité qui a obligé les physiciens utilisateurs de ces instruments à regarder autrement des phénomènes qu'ils ne s'expliquaient pas dans le cadre des anciens paradigmes, les contraignant par exemple à ne pas choisir entre le caractère ondulatoire et le caractère corpusculaire de la lumière. Or ces instruments étaient apparus, sur le « marché des instruments de laboratoires », si l'on peut dire, non pas du fait de « géniaux inventeurs » convaincus qu'ils abordaient de nouveaux rivages de la connaissance, mais du fait de modestes techniciens. Ceci correspond à l'intuition selon laquelle les super-organismes technologiques se développent selon des modes de vie propres, proches de la mémétique, et que c'est leur évolution quasi biologique qui entraîne celle des conceptualisations et connaissances organisées en grands systèmes dans les sociétés humaines. Mais l'évolution technologique n'aurait pas suffi à provoquer seule la révolution conceptuelle. Il a fallu aussi que des mutations dans les modes de représentation du monde hébergées par les cerveaux de quelques précurseurs de grand talent les obligent à voir les incohérences, plutôt que continuer à buter contre elles pendant encore des décennies. Nous estimons pour notre part que Mioara Mugur-Schächter a fait preuve d'un génie précurseur aussi grand, en sachant passer d'une pratique mal formulée et mal systématisée, inutilisable ailleurs qu'en physique, à une méthodologie rigoureuse applicable par toutes les sciences. Evoquons ici en quelques lignes les grandes étapes indispensables à la construction des connaissances selon MCR. Il s'agit en fait d'une méthodologie pour la production des descriptions, car il n'y a de science que de descriptions, les « phénomènes en soi » étant réputés non-existants. - Le Fonctionnement-conscience. On postule au départ l'existence d'un observateur humain, doté d'un cerveau lui-même capable de faits de conscience. Ce cerveau est tel qu'il peut afficher des buts au service desquels mettre une stratégie. Mioara Mugur-Shächter considère que l'organisme vivant, ceci à plus forte raison s'il est doté de conscience, est capable de téléonomie (1). Nous pensons pour notre part que le concept de Fonctionnement-conscience peut être étendu au fonctionnement de tous les êtres vivants, et peut-être même à celui de précurseurs matériels de la vie biologique, aux prises avec la Réalité telle que définie ci-dessous. Le terme de conscience ne peut donc alors être conservé que sous forme de métaphore. Les concepteurs de robots véritablement autonomes espèrent que ces robots pourront procéder de même afin de se doter de représentations ayant du sens pour eux. - La Réalité. On postule qu'il existe quelque chose au-delà des constructions par lesquelles nous nous représentons le monde, mais (pour éviter les pièges du réalisme), qu'il est impossible - et sera à jamais impossible - de décrire objectivement cette réalité. Peut-être pourrait-on (la suggestion est de nous) assimiler cette réalité à ce que la physique contemporaine appelle le Vide quantique ou l'énergie de point-zéro, à condition d'admettre que ce Vide est et demeurera indescriptible, d'autant plus qu'il ne s'inscrit ni dans le temps ni dans l'espace propres à notre univers. Seules pourront en être connues les fluctuations quantiques en émanant, si elles donnent naissance à des particules qui se matérialiseraient par décohérence au contact avec notre matière. Ces diverses entités d’ailleurs n’acquerront de « réalité » que dans les conditions de formalisation des connaissances proposées par la méthode. - Le Générateur d'Entité-objet et l'Entité-objet ainsi générée. Il s'agit d'un mécanisme permettant au Fonctionnement conscience, dans le cadre de ses stratégies téléonomiques, de créer quelque chose (un observable) à partir de quoi il pourra procéder à des mesures. Il n'y aurait pas de science sans ce mécanisme. Nous procédons de cette façon en permanence dans la vie courante. Nous construisons des « objets » d'étude, qui n'existaient pas avant notre intervention. - Les Qualificateurs. Il s'agit des différents points de vue par lesquels nous décrivons d'une façon utilisable par nous les Entités-objets que nous avons créées. Ces Qualificateurs sont les moyens d'observation et de mesure, biologiques ou instrumentaux, dont nous disposons. Il n'y a qu'une qualification par mesure et celle-ci n'est pas répétable car généralement l'Entité-objet a changé. Mais la multiplication des qualifications donne ce que MCR appelle des Vues-aspects proposant des grilles de qualifications effectives et intersubjectives. L'opération peut conduire à la constatation de l'inexistence relative de l'Entité-objet créée aux fins d'observation (inexistence relative car il serait contraire à MCR de parler de faux absolu). Cela montre que l'on ne peut pas inventer n'importe quelle Entité-objet et construire des connaissances solides à son propos. Il faut qu'elle corresponde à quelque chose dans la Réalité telle que définie plus haut et qu'elle puisse être mise en relation avec les grilles de qualification déjà produites. Ainsi les connaissances construites s'ajoutent-elles les unes aux autres. - Le Principe-cadre. Il s'agit du cadre d'espace-temps dans lequel on décide d'observer l'Entité-objet afin de la situer. Tout cela permet d'obtenir un canon général
de description, utilisable dans n'importe quel domaine. Il repose sur
le postulat de la non-possibilité de confronter la description
avec un réel en soi ou réel métaphysique quelconque.
Il débouche par contre sur une « description relativisée
», individuelle ou probabiliste, à vocation inter-subjective,
c'est-à-dire partageable par d'autres Fonctionnements-consciences,
à travers ce que MCR appelle des Descriptions relativisées
de base Transférées. La somme de celles-ci devrait correspondre
à la somme des connaissances scientifiques relativisées
que grâce à MCR nous pouvons obtenir sur le monde. Nous ne pouvons ici résumer l'argumentaire des
démonstrations proposées par Mioara Mugur-Shächter.
Elles concernent la logique, les probabilités, le concept de transmission
des messages chez Shannon, la complexité et finalement le temps,
vu sous l'angle des changements identité-différence qui
peuvent s'y produire. Il en est de même du concept de probabilités
tel que défini notamment par le mathématicien Kolmogorov.
L'espace de probabilité proposé par ce dernier ne devrait
pas être utilisé dans les sciences, sauf à très
petite échelle. Il ne peut que conduire à des impasses.
Si l'on pose en principe qu'il existe des objets en soi difficilement
descriptibles par les sciences exactes, dont la connaissance impose des
approches probabilistes, le calcul des probabilités est un outil
indispensable. Ainsi on dira que la probabilité de survenue d'un
cyclone dans certaines conditions de température et de pression
est de tant. Mais si, pour analyser plus en profondeur les phénomènes
de la thermodynamique atmosphérique et océanique, on admettait
que le cyclone n'existe pas dans la réalité, pas plus que
l'électron ou le photon, mais qu'il est la construction ad hoc
unique d'un processus d'élaboration de qualification selon MCR,
le concept de probabilité changera du tout au tout. On retrouverait,
à une échelle différente, l'indétermination
caractéristique de la physique quantique et la nécessité
de faire appel à des vecteurs d'état et à la mathématique
des grands nombres pour représenter concrètement de tels
phénomènes. Mioara Mugur-Shächter ne le dit pas, mais ce qui
précède pourrait selon nous s'appliquer au concept de système.
La science des systèmes s'évertue à identifier ceux-ci
dans la nature et se noie évidemment dans le nombre immense des
candidats-systèmes qu'elle peut identifier. Mieux vaudrait admettre
d'emblée que le système en général, tels systèmes
en particulier, n'existent pas en soi, mais doivent être spécifiés
en tant qu'Entités-objets créées par un Générateur
ad hoc. Le même type de raisonnement s'appliquera
à la théorie de Shannon et au concept de temps, tels que
présentés dans l'ouvrage. |
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