Compléments du livre |
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Ceux qui ne sont pas encore convaincus de la nécessité d'étudier scientifiquement la mémétique pour comprendre le monde actuel sont susceptibles de changer d'avis en réfléchissant au cas "Ben Laden". Rappelons que la mémétique est, ou devrait être, la science des mèmes. Les mèmes sont des unités réplicatives et mutantes se développant sur le mode darwinien dans les réseaux constitués par les cerveaux des hommes et par les divers médias, traditionnels (parole, écrit) ou modernes (radio, TV, Internet) les reliant. Les mèmes apparaissent, se reproduisent et se diversifient là où ils trouvent l'opportunité d'acquérir de nouveaux espaces de vie et de nouvelles sources d'énergie. Leur action est déterminante dans la formation des opinions humaines et, consécutivement, dans les comportements individuels et collectifs se traduisant finalement par des structurations sociales plus ou moins lourdes, générant à leur tour de nouveaux mèmes. Dans cette optique, évidemment discutable, ce ne sont plus les organismes et structures qui créent des mèmes, mais les mèmes qui créent les structures et les organismes. Les mèmes structurants émergent évidemment d'un terrain pré-existant, mais celui-ci n'est pas différencié, pas organisé, et ce sont les mèmes qui lui donnent vie. Prenons le cas d'école Oussama Ben Laden (OBL). L'analyse politique classique voit en lui, selon les sources, un croyant convaincu, un homme d'affaire et de pouvoir, un chef de guerre, un illuminé…Mais cette analyse est courte, et s'arrête très vite devant ses propres contradictions. OBL ne peut pas être tout cela à la fois, si on se réfère à la logique aristotélicienne. Or peut-être faut-il dire qu'il est tout cela à
la fois, ce qui suppose un autre regard, une autre logique. - La famille OBL se développant dans les cerveaux des populations du tiers-monde frustrées par l'hégémonie occidentale et plus particulièrement américaine, - La famille OBL, qui deviendra à la fois concurrente et complémentaire de la précédente, intéressant tous les opposants aux excès de la mondialisation économique et du néo-libéralisme, opposants dont beaucoup se recrutent dorénavant dans les milieux intellectuels du monde occidental. Le mème OBL, dans ces milieux, joue son avenir adaptatif en se présentant comme l'outil enfin efficace pour remettre en cause les orientations lourdes prétendues intangibles par des dogmes comme celui répandu par le mème du libéralisme. Si OBL n'avait pas existé, disent les défenseurs du développement durable, de la lutte contre l'effet de serre et autres finalités de survie à long terme, il aurait fallu l'inventer, - La famille OBL proliférant dans les esprits des innombrables candidats terroristes ou terroristes-suicidaires existant dans toutes les sociétés, y compris les sociétés occidentales : chacun peut devenir un OBL, selon cette famille. Il suffit de le vouloir et de trouver la bonne opportunité, en détectant des points faibles auxquels s'attaquer (cf. le fait qu'on suspecte actuellement une origine américaine aux attaques par les spores du charbon). Cette famille est particulièrement dangereuse à court terme. A long terme, elle rejoindra peut-être la famille précédente, en faisant mieux prendre conscience des impasses du développement occidental, qui accumule les fragilités structurelles et comportementales, - La famille OBL au service du lobby militaro-industriel occidental, notamment américain. Qui ne voit les profits considérables que font miroiter au bénéfice de ce lobby, comme à celui des diverses industries de défense civile (industries pharmaceutiques par exemple) les succès reproductifs de cette famille, au sein des populations susceptibles d'être victimes du terrorisme ? Là encore si OBL n'avait pas existé, il aurait fallu l'inventer, - La famille OBL au service de la cohésion sociale entre les représentants de ces mêmes populations. C'est la famille la plus sympathique, celle qui a proliféré ces dernières semaines sur les réseaux Internet, présentant des images détournées et dérisoires d'OBL et même des attentats. Elle propage un message simple et réconfortant, qui plaît beaucoup : nous sommes ensemble, pas prêts de nous laisser entamer le moral.
Les tenants de la culture traditionnelle n'accepteront pas
cette espèce de déterminisme. L'esprit humain, diront-ils,
est autre chose. Illusion. Pour notre part, nous préférons
penser qu'en tant qu'individus, notre cerveau est le terrain où
s’organisent des batailles de mèmes, plutôt que la
reproduction stupide à l'identique de mèmes inchangés
depuis plusieurs siècles
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