Compléments du livre |
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- Sur ce sujet, on pourra lire l’ouvrage récent
de Denis Jeambar et Jacqueline Rémy, Nos enfants nous
haïront, Seuil, 2006. Le bilan, publié par l'Agence européenne de l'environnement, le 22 juin 2006, a constaté (http://reports.eea.europa.eu/eea_report_2006_8/en) l’augmentation entre 2003 et 2004 des taux d’émission des gaz à effet de serre, principaux agents du réchauffement climatique, provenant des pays européens. Sauf à agir beaucoup plus vigoureusement, l'Europe risque de ne pas respecter le protocole de Kyoto, alors qu’elle s’était engagée à diminuer ses émissions de 8 % en 2010 par rapport à 1990. L’Allemagne, le Royaume Uni, la France respectent à peu près pour le moment leurs engagements, mais la situation risque de se dégrader à l’avenir, alors que les transports ne cessent d'augmenter leurs rejets et que de nombreuses centrales de production d'électricité à combustibles fossiles doivent entrer en fonctionnement dans les prochaines années. Les mauvais élèves sont les pays méditerranéens. L'Espagne a vu, en 2004, ses émissions monter de 48 % par rapport à 1990, alors que seule une augmentation de 15 % était autorisée. L'Italie ne fait pas beaucoup mieux (+ 12 % contre - 6 % autorisés). Comment convaincre la Chine, l'Inde ou le Brésil de s'engager, si les Européens ne donnent pas l’exemple ? Pour l’avenir, au-delà de Kyoto, qui est l’epsilon, l'Union européenne a adopté en mars 2005 un objectif de réduction des émissions pour les pays développés de 15 % à 30 % en 2030 par rapport à 1990. Cela demandera un effort important. La France et le Royaume-Uni ont même affiché un objectif de diminution par quatre d'ici à 2050, soit une baisse de 3 % par an. Rien ne permet de penser que ces quotas seront tenus. Le protocole de Kyoto, qui propose aux membres signataires de respecter jusqu’à 2012 un taux maximum d’émission de gaz à effet de serre et qui met en place un dispositif complexe d’échanges d’autorisation à émettre entre les faibles et les gros pollueurs, est dorénavant considéré comme tout à fait insuffisant. Non seulement les taux sont fixés trop bas, mais surtout les grands pays pollueurs ont refusé de le ratifier. C’est ce qu’a confirmé la conférence internationale sur les changements climatiques de Montréal (United Nations Climate Change Conference) qui a clos ses travaux le 20 décembre 2005. De plus, pour l'après 2012, qui était véritablement l'enjeu de la conférence, le seul acquis de la Conférence a été la résolution, acceptée non seulement par les pays déjà signataires du protocole mais par les pays jusqu'ici restés en dehors (Etats-Unis, Australie, Brésil, Chine) de continuer à dialoguer afin d'aboutir à des résultats « le plus tôt possible ». Mais cela, sans aucune obligation ni quant à la date ni quant au contenu des pourparlers. Les Etats-Unis, qui s'étaient retirés du débat à ses débuts pour ne pas se voir imposer d'obligations, n'y sont revenus qu'à la condition expresse qu'aucun engagement ne serait envisagé. Ils affirment il est vrai investir des sommes très importantes dans des technologies permettant de réduire la production de GES, mais beaucoup de celles-ci sont encore futuristes et, de toutes façons, ne seront pas à la portée des pays en croissance de rattrapage, tels la Chine et l’Inde. Pour ces derniers, l’exploitation des centrales à charbon traditionnelles, utilisant un combustible particulièrement riche en soufre, ne cessera de s’intensifier, bien au-delà de 2050. Il faut bien se persuader que les Etats-Unis, sous l'actuelle
majorité, n'ont aucune intention de se laisser imposer de contraintes
quantifiées concernant la réduction de leurs émissions.
Le consortium qu'ils avaient réuni pour contrer la réunion
de Montréal, l'Asia-Pacific Partnership on Clean Development and
Climate, réuni pour la première fois à Sydney en
janvier 2006, ne produira sans doute aucun effet sensible. Il réunit
avec les Etats-Unis, l'Australie, la Chine, le Japon, l'Inde et la Corée
du Sud, soit la moitié des producteurs de gaz à effet de
serre. Or il s'est borné jusqu’à présent à
adopter des recommandations qui, selon les experts, ne les empêcheraient
pas, même si elles étaient appliquées, de doubler
leur production de C02 à échéance de 2050. Un centre universitaire britannique rassemblant des climatologues et des experts en énergies, le Centre Tyndall, a présenté fin 2005 une étude associant une dizaine de partenaires universitaires et portant sur l’étude des variations climatiques probables sur la durée du millénaire (2000 - 3000) : Climate Change on the Millennial Timescale. Cette étude, publiée sur Internet paraît avoir bénéficié des meilleures conditions possibles à ce jour en matière d’objectivité. Ses résultats en sont d’autant plus inquiétants. Ils montrent que si les générations actuelles ne font pas un effort majeur sur les consommations de carburants fossiles, afin de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, l’héritage légué aux générations à venir sera difficilement supportable. Les conséquences n’attendront pas un millénaire pour se faire sentir, car l’essentiel se produira avant la fin du présent siècle. Cela même si de nouvelles technologies permettent de faire face à certaines des conséquences prévisibles. Si les terriens brûlent toutes les réserves de combustibles fossiles connues à ce jour, l’augmentation globale de température sera de 13° C à partir de 2100. Cela entraînera la disparition de toutes les forêts pluviales, détruira la fertilité de nombreux sols et fera fondre l’ensemble des glaces arctiques. La température de l’Europe sera celle de l’Egypte, mais l’ensemble des zones L'Esprit de l'Escalieres très actives économiquement aura été submergé par une hausse des océans d’environ 10 mètres, alimentée principalement par la fonte des glaciers du Groenland et de l’Antarctique. On se rassurera en pensant que les gisements de pétrole tirent à leur fin. Mais ce n'est pas le cas. Les réserves de carbone accessibles pour la production d’énergie sont malheureusement beaucoup plus élevées qu’il n’est pronostiqué quand on parle de la fin de l’ère du pétrole. Selon l’équipe du Tyndall, l’humanité a déjà rejeté 400 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, entraînant une hausse moyenne de température de 0,6° C. Mais 10 fois plus de réserves demeurent accessibles, sous forme de pétrole profond, gaz naturel et charbon. De plus les combustibles non conventionnels, goudrons, sables bitumineux, clathrates de méthane sous-océaniques contiendraient encore la masse considérable de 10.000 milliards de tonnes de CO2. La grande question politique actuellement posée est donc de savoir si l’humanité sera capable de ne pas franchir le point de non-retour (tipping point) au-delà duquel le changement climatique sera non seulement irréversible mais accéléré. Pour certains, comme le distingué James Hansen, directeur du Goddard Institute for Space Studies de la Nasa et conseiller climatologique de G.W. Bush, ce point sera atteint dans la décennie. On sait que G.W.Bush a tenté de faire taire son conseiller, en le menaçant de renvoi. Mais Hansen continue à publier des articles et prononcer des conférences faisant part de ses observations alarmantes, notamment au sein de l’université Columbia. Pour l’équipe du Tyndall, si l’humanité avait la sagesse de se borner à consommer les combustibles conventionnels, la hausse de la température globale serait « seulement » de 7°, ce qui est déjà considérable. Mais ce n’est pas du tout la direction prise par les pétroliers et par les gouvernements qui les soutiennent, notamment l’administration américaine actuelle. On sait en effet que G.W.Bush, en appelant l’Amérique à se désengager progressivement des gisements du Moyen Orient, vient d’encourager l’exploitation des sources non conventionnelles résidant en Amérique du Nord, par exemple les sables bitumineux de l’Alberta (Canada) présentés dorénavant comme des réserves stratégiques vitales. Comme l’exploitation des pétroles du Moyen Orient ne cessera pas, sous la pression de la demande asiatique, c’est donc bien la 2e réserve, celle qu’il ne faudrait en aucun cas mettre en exploitation, qui commence dès maintenant à faire l’objet de « mise en valeur ». On devine que les convoitises sont telles que les protestations des écologistes, américains ou canadiens, n’auront aucun effet sur les pétroliers et les administrations concernées. Pour se justifier, les lobbies politico-pétroliers continuent à faire valoir que les études climatologiques sont faussées par des scientifiques non objectifs. C’est l’argument qu’avait popularisé le démagogique et dangereux Michaël Crichton dans son roman State of Fear, véritable atteinte à la raison, qui malheureusement s’est très bien vendu. Mais aucun élément sérieux pouvant démontrer que les variations actuelles sont en fait liées à des cycles climatologiques millénaires, comme le prétendent les "Climate Sceptics", n’a pu être retenu par les scientifiques du rapport Climate Change on the Millennial Timescale. Ils ne voient pas survenir un nouveau petit âge glaciaire dans les années 3000. Tout au plus risquerait-on un blocage du Gulf Stream (North Atlantic Conveyor) par les irruptions d’eaux froides de l’Arctique, mais il s’agirait alors d’une catastrophe supplémentaire qui s’ajouterait aux autres, notamment à la montée des eaux, rendant l’Europe de l’époque complètement invivable. On est donc conduit à se poser, en termes systémiques,
une question politique de simple bon sens. Les civilisations réputées
les plus intelligentes, les plus capables de prévision à
terme, sont-elles aussi dépourvues de moyens d’auto-contrôle
que les populations animales qui se montrent impuissantes devant les causes
d’extinction majeure. Plus exactement, les super-organismes que
sont ces civilisations, malgré leurs capacités à
générer des représentations collectives à
fort contenu cognitif, restent-ils soumis au gouvernement de dirigeants
démagogues, insensibles à toute réflexion rationnelle,
comme le sont G.W. Bush et ses homologues ? Les scientifiques qui voient
venir les dangers et qui essayent d’alerter les opinions publiques
continueront-ils, pour leur part, à être réduits au
silence par ces mêmes dirigeants ? C’est la question posée
très directement aujourd’hui par des clubs de pensée
comme Scientists for Global Responsibility - que peu de gens écoutent,
il faut bien le constater. Nous préciserons plus loin ce que pourrait
être l’attitude politique des scientifiques matérialistes
pour aider à faire partager ces idées.
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