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 La soci�t� D-Wave Systems a r�cemment 
        pr�sent� � Moutain View (Silicon Valley - Californie) 
        - puis � Vancouver (Telus World of Science) - son syst�me 
        Orion, d�monstration du concept d'un prototype d'ordinateur quantique 
        � 16 qubits dont elle annonce la commercialisation... d�s 
        l'an prochain !
 Effet d'annonce ? En tous cas, bien que tous les probl�mes ne soient 
        pas encore r�solus, et forte d'un financement de capital-risque 
        de quelque 30 millions de dollars canadiens, cette start-up canadienne 
        aime � se d�finir comme le "premier et unique fournisseur 
        de syst�mes de calcul quantique con�us pour faire fonctionner 
        des applications commerciales"(1).
 
 Les 
        d�monstrations ont port� sur 3 applications (une ayant trait 
        � la bioinformatique et les deux autres � des probl�mes 
        d'optimisation) :
 1) reconnaissance de formes appliqu�es � la recherche de 
        mol�cules dans une banque de donn�es [association ou conflit 
        de graphes] ;
 2) r�solution d'un probl�me de sudoku ;
 3) arrangement d'un plan de table (affectation de la place des convives 
        par affinit�s de personnes).
 
 Le 
        syst�me Orion est constitu� d'une paire de super-conducteurs 
        - aluminium et niobium - port�s � une temp�rature 
        proche du z�ro absolu (- 273,15� C). Dans cet �tat, 
        les m�taux peuvent se trouver dans les positions �lectriques 
        0 et 1 simultan�ment, permettant ainsi d'obtenir de v�ritables 
        bits quantiques (appel�s encore qubits(2)). 
        Cet ordinateur est construit autour d'un processeur de 16 qubits supraconducteurs, 
        dont le fonctionnement est celui d'un ordinateur quantique adiabatique(3).
 Les qubits sont des boucles quasi-circulaires dispos�es sur une 
        matrice 4x4 et coupl�es avec leurs plus proches voisins (Nord, 
        Sud, Est, Ouest), ainsi que leurs seconds plus proches voisins (N, S, 
        E, O), par des transformateurs de flux ajustables. Le circuit compte ainsi 
        un total de 42 coupleurs de flux. En ajustant ces derniers, puis en appliquant 
        un champ magn�tique, le syst�me se met dans l'�tat 
        quantique repr�sentant la solution du probl�me �tudi�.
 Dit en d'autres termes, la machine est programm�e en faisant varier 
        les conditions magn�tiques autour des qubits, cr�ant des 
        relations entre eux qui mod�lent l'incorporation (la mise en forme) 
        physique de l'�quation que le programmeur veut r�soudre. 
        Les r�sultats sont lus en d�tectant la direction du courant 
        du qubit une fois tous les calculs faits.
 
 
         
          | Le processeur 
            de 16 qubits
 (nom de la puce : Europa),
 fonctionnant en milieu cryog�nique
 � Photo : D-Wave
 
 | � | Filtre permettant 
              de ne pas affecter le fonctionnement du processeur par le bruit 
              de fond des 128 lignes d'entr�es. Les courants �lectriques 
              se font sur un bouclage, cr�ant des champs magn�tiques 
              qui modifient le comportement du niobium � l'int�rieur 
              du processeur.
 � Photo : D-Wave
 |   
          | � | � | � |  
         
          | � | Puce mont�e 
            sur son syst�me r�frig�rant (fabriqu� 
            par Leiden 
            Cryogenics), ce dernier portant le syst�me � 
            4 millikelvin (mK) au-dessus du z�ro absolu).
 � Photo : D-Wave �
 | � |  Si 
        pour l'instant, ce syst�me permet uniquement de r�soudre 
        des probl�mes particuliers s'exprimant sous forme du "mod�le 
        d'Ising bidimensionnel en champ magn�tique", l'entreprise 
        pr�voirait d'ores et d�j� l'int�gration d'un 
        coupleur suppl�mentaire qui rendrait le calculateur quantique universel 
        et permettrait, entre autres, de faire des simulations quantiques.
 Le syst�me est actuellement con�u pour une utilisation de 
        concert avec un calculateur conventionnel sur des probl�mes NP-complets(4) 
        : en pratique le client commence � r�soudre le probl�me 
        sur ordinateur classique, jusqu'� rencontrer le noyau dur NP-complet, 
        transf�rant alors la suite des op�rations � D-Wave 
        qui termine la r�solution de mani�re quantique.
  
        Peut-�tre trop beau pour �tre d�j� 
          vrai ? Tout cela para�t bien beau cependant avec 16 qubits 
        de puissance de calcul - soit plus de 64000 op�rations en simultan� 
        (216) ( [ce qui est d�j� en soi une belle prouesse] -, Orion 
        est encore loin des supercalculateurs. D-Wave, en tous cas, annonce sans 
        complexe le lancement d'une version � 32 qubits d'ici � 
        la fin de l'ann�e, puis des versions � 512 qubits et 1024 
        qubits pour 2008 !
 Alors, faut-il d�j� consid�rer la mise � l'index 
        des ordinateurs traditionnels ?
 A notre avis, cela semble �tre bien pr�matur�. D'ailleurs 
        l'entreprise elle-m�me d�clare que le calcul quantique ne 
        doit pas �tre vu ici comme un remplacement des calculateurs digitaux, 
        mais comme l'apport de nouvelles possibilit�s, par exemple dans 
        le cas de certains types de calculs li�s � la finance, la 
        biologie, la chimie, la s�curit� (biom�trie notamment), 
        la d�fense, la logistique...
 
 Le 
        prototype pr�sent� est aujourd'hui 100 fois plus lent qu'un 
        calculateur num�rique courant. Orion fait tourner le calcul de 
        multiples fois (� cause du bruit de fond qui fait que la puce peut 
        retourner quelquefois des r�sultats erron�s) et d�termine 
        quelle r�ponse a la probabilit� la plus �lev�e 
        d'�tre exacte. La meilleure solution est d�termin�e 
        par le niveau d'�nergie le plus bas du syst�me. La deuxi�me 
        meilleure solution - en raison de la nature physique du calcul - est le 
        deuxi�me niveau bas d'�nergie, etc. La solution qui minimise 
        l'�nergie et qui ressort le maximum de fois est consid�r�e 
        comme �tant la bonne(5).
 
 Deux objectifs sont alors poursuivis par D-Wave :
 - parvenir � une solution plus pr�cise, avec la m�me 
        rapidit� qu'un calculateur num�rique,
 - obtenir une solution de la m�me exactitude mais de fa�on 
        plus rapide qu'un calculateur num�rique.
 La meilleure solution 
        est celle qui minimise l'�nergie du syst�me
 Et l�, on imagine qu'il va falloir quelque temps 
        pour passer de la preuve du concept � la r�alisation de 
        ces objectifs. Certains probl�mes - et non des moindres - restent 
        en effet encore � r�soudre. Comment par exemple augmenter 
        le nombre de qubits sans g�n�rer d'interf�rences 
        nuisibles au calcul, la correction des erreurs semblant �tre un 
        probl�me pr�gnant ? Combien de temps prendrait un calcul 
        effectu� par m�thode adiabatique avec des milliers de qubits 
        ? D'ailleurs, cette m�thode est-elle la panac�e ? Sans parler 
        de la taille des r�frig�rants � l'h�lium liquide 
        n�cessaires au refroidissement des composants (taille de la pi�ce 
        qui accueille la machine(6)) ? Et puis, finalement, 
        comment programmer ce type d'ordinateur ? Quelle sera � 
        la finale la taille de l'ordinateur quantique ?
 S'agit-il 
        ici d'un fabuleux saut technologique ou plut�t d'un effet d'annonce 
        pour lever plus de fonds aupr�s d'�ventuels investisseurs 
        ? Comment vraiment le savoir puisque la start-up(7) 
        n'a pas permis l'inspection de la machine durant ou apr�s les d�monstrations. 
        Les op�rations �taient en effet t�l�command�es 
        � distance depuis un ordinateur portable, le syst�me Orion 
        �tant physiquement localis� a Burnaby (Canada), "le 
        syst�me �tant trop sensible pour �tre facilement transportable", 
        selon les d�clarations de la compagnie, dont on peut penser qu'elle 
        souhaite aussi prot�ger le secret industriel.
 Le prototype n'a donc pas pu �tre test� par des sp�cialistes 
        ext�rieurs reconnus. Seth Lloyd lui-m�me, p�re des 
        travaux sur le mod�le adiabatique de calcul quantique a d�clar� 
        �rester toujours un peu sceptique jusqu'� ce que je vois 
        vraiment ce qu'ils ont fait (...). En tous cas, je suis heureux que D-Wave 
        se soient lanc�e dans cette voie�.
 Mais selon Geordie Rose - co-fondateur de D-Wave - les r�sultats 
        de la d�monstration devraient �tre soumis � examen 
        par des pairs, en vue d'une publication dans un grand journal scientifique.
  
        Ecran d'accueil 
        pr�vu pour la location en ligne de temps de calcul sur Orion.
 Les donn�es sont envoy�es � D-Wave par internet, 
        qui propose la minimisation
 du temps de calcul dans la r�solution des probl�mes.
 (Objectif affich� dans le business plan de l'entreprise pour le 
        1er trimestre 2008)
 Quoi qu'il en soit, et en attendant la commercialisation directe annonc�e, 
        D-Wave va proposer de louer le temps de calcul d'Orion et de lui envoyer 
        les probl�mes � r�soudre par Internet(8).
 Et d�s le courant de ce deuxi�me trimestre 2007, un syst�me 
        Orion devrait par ailleurs �tre mis gratuitement � disposition 
        de la communaut� scientifique avec l' objectif d'obtenir des chercheurs 
        l'�laboration d'algorithmes quantiques pouvant �tre impl�ment�s 
        dans la machine.
 
 A suivre de tr�s pr�s, donc.
 Pour l'instant, contentons-nous de filer la m�taphore en disant 
        que, tel un qubit, nous voici plac�s dans un bel �tat de 
        superposition, mitig� entre scepticisme de rigueur et confiance 
        en l'avenir.
 * 
        Co-r�dacteur en chef, avec l'auteur, du site www.automatesintelligents.com
 
 (1) 
        Notons cependant qu'il existe d�j� de telles entreprises, 
        sp�cialis�es par exemple dans la cryptographie quantique. 
        Voir notamment http://www.idquantique.com.
 (2) A la diff�rence d'un bit classique de 
        la physique traditionnelle, un bit quantique (qbit) peut �tre soit 
        un 0, soit un 1, soit simultan�ment les deux (on parle ici d'�tats 
        superpos�s). Ceci permet d'acc�l�rer drastiquement 
        la vitesse de calcul au point que certains probl�mes par principe 
        insolubles jusqu'ici peuvent d�sormais se r�soudre facilement.
 (3) Ordinateur quantique qui, en th�orie, 
        n'a pas besoin d'�tre isol� du monde ext�rieur pour 
        fonctionner et qui peut supporter de faibles �carts de temp�rature. 
        A la diff�rence des prototypes d'ordinateurs quantiques qui utilisent 
        par exemple des impulsions laser sur des �lectrons, excitant ainsi 
        ces particules afin de les mettre dans un �tat quantique particulier 
        (dans ce type d'ordinateur, le syst�me doit �tre suffisamment 
        longtemps isol� du monde ext�rieur pendant les calculs, 
        difficult� augmentant avec le nombre de qubits, il faut �tre 
        aussi capable de pouvoir lire l'�tat quantique final sans d�truire 
        le r�sultat), l'ordinateur quantique adiabatique se sert du refroidissement 
        des circuits m�talliques, les pla�ant dans un �tat 
        supraconducteur dans lequel les �lectrons circulent librement (jonction 
        Josephson et effet tunnel) donnant pour r�sultats des qubits. C'est 
        ensuite la variation du champ magn�tique qui conduit graduellement 
        les qubits � s'ajuster entre eux.
 Pour concevoir Orion, syst�me qui lie profond�ment logiciel 
        et mat�riel, D-Wave s'est appuy� sur les travaux de Seth 
        Lloyd du MIT (mod�le adiabatique de calcul quantique), et notamment 
        sur son article "Scalable architecture for adiabatic quantum computing 
        of NP hard Problem".
 http://arxiv.org/PS_cache/quant-ph/pdf/0211/0211152.pdf.
 (4) Un probl�me NP-complet (pour Nondeterministic 
        polynomial , en fran�ais : probl�me non-d�terministe 
        polynomial) bien connu est celui de la tourn�e du voyageur de commerce, 
        qui consiste � trouver la plus courte route entre diff�rentes 
        villes. Dans un probl�me NP-complet, le temps de calcul augmente 
        exponentiellement avec le nombre de donn�es (donc impossible - 
        ou presque - � mener sur des ordinateurs conventionnels). Gr�ce 
        � l'ordinateur quantique, on passe d'un temps de r�solution 
        exponentiel � un temps de r�solution polynomial.
 (5) Un test sur des probl�mes o� 
        la r�ponse correcte �tait d�j� connue a montr� 
        que la majorit� des r�ponses donn�es par l'ordinateur 
        quantique �tait toujours exactes.
 (6) Selon Geordie Rose, co-fondateur de D-Wave, 
        l'unit� de r�frig�ration consomme la plus grande 
        partie de la puissance � 20 kilowatts, ce qui est faible compar� 
        � des fermes de serveurs . Pour lui, l'extension du nombre de qubits 
        sur la puce n'exigera pas le besoin d'une augmentation massive de la r�frig�ration.
 (7) Forte aujourd'hui de 25 personnes, D-Wave est 
        une spin-off du d�partement de physique et d'astronomie de l'universit� 
        de Colombie britannique (UBC).
 (8) Objectif affich� dans le business plan 
        de l'entreprise pour le 1er trimestre 2008.
 
 
 Pour en savoir plus�:�
 Site 
        de D-Waves Systems :
 http://www.dwavesys.com
 
 Sur 
        le calcul quantique adiabatique, voir "Quantum information science" 
        (MIT - 14 mars 2006) : http://ocw.mit.edu/NR/rdonlyres/E26486E1-E922-491E-8449-F0AEA5B399C3/0/lecture_10.pdf
 
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