Miguel Benasayag :
Organismes et artefacts
Vers la virtualisation du vivant ?
(en coédition avec les Éditions de la Découverte)
Depuis les années 1980, la recherche sur la vie
et l’intelligence artificielles a connu des progrès considérables,
permettant des avancées spectaculaires dans la fabrication d’artefacts
inspirés du vivant. Grâce au génie génétique
et aux neurosciences, des chercheurs annoncent la possibilité d’«
améliorer » la nature humaine et de concevoir des thérapies
permettant de donner la vue aux aveugles, de faire entendre les sourds
ou de faire marcher les paralytiques. Et la pensée elle-même
est désormais le fruit de combinaisons entre processus neuronaux
proprement humains et ceux produits par des artefacts. Ces techniques
posent une question qui hante nos contemporains : si nous pouvons modifier
la nature humaine, qu’en est-il alors de la condition humaine ?
Jusqu’où l’homme « amélioré »
reste-t-il un homme ?
Pour y répondre, Miguel Benasayag propose dans
ce livre de rompre avec le vieil imaginaire opposant l’homme à
la machine : la question n’est pas de savoir si les automates artificiels
sont capables ou non d’imiter le fonctionnement de la conscience
et de la vie, mais d’interroger - grâce aux ressources
de la philosophie comme de la neurophysiologie - le sens même
de ces deux notions. L’auteur montre qu’elles ne recouvrent
pas des entités ontologiques qui existeraient « en soi »,
mais qu’elles sont des constructions de chaque époque et
que celle qui a conçu leurs avatars modernes est elle-même
en crise. Les conceptions de la conscience et de la vie que les savants
cherchent à reproduire n’ont en réalité rien
de comparable avec leur manifestation biologique. Mais si la possibilité
de leur production à l’identique apparaît donc comme
un faux débat, les effets de cette recherche dans le formatage
de la vie et du monde sont, eux, d’ores et déjà bien
réels : l’idéologie postmoderne du « tout est
possible » en matière de création et de modification
du vivant, loin d’être la réalisation d’un rêve,
est bien plutôt l’avènement d’un cauchemar.
Miguel Benassayag pose, dans cet essai, les bases d’une
nouvelle épistémologie des rapports complexes entre techniques
et vie. Pour ce faire, il avance des hypothèses novatrices sur
les « invariants biologiques » qu’un constructivisme
sans frein ne cesse d’ignorer. Et il explore les voies qui permettront
l’homme de développer une véritable puissance d’agir
à l’heure de la virtualisation mortifère de la vie.
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