Loïc Lorent : Votre Jeunesse Presse |
Marianne Semaine du 2 au 8 juin 2007 |
Le malheureux, il n'a pas enquêté, il s'est
contenté de raconter le désastre. Personne ne lui demandait
rien, alors il s'est mis à la tâche. Loïc Lorent, jeune
historien, né en 1984, a vécu l'épisode en direct.
Son livre, Votre jeunesse, est un clin d'oeil à Péguy. Ce
n'est pourtant pas l'histoire de l'affaire Dreyfus et encore moins celle
de l'Action française, au temps des droites nationalistes de l'avant-1914.
Non, il s'agit ici des grèves étudiantes au moment du mouvement
anti-CPE du printemps 2006. Le récit n'épouse pas le grand
style, mais il est envoyé comme un obus dans la mare des bons sentiments
et de la révolution, version enfants gâtés, si tant
est que les « fils de fonctionnaires » le soient.
Il raconte avec férocité le quotidien de l'occupation d'une
université par des « bloqueurs » professionnels.
On y croise des allumés de la fête, des défenseurs
des « sans-pap », portant le keffieh, des syndicalistes,
et des suiveurs, habillés de vêtements vintage, ou de chemises
à carreaux à la manière des rescapés du Larzac.
Le tableau est sans pitié, burlesque, ironique ; les caractères
sont trempés dans l'acide. Les « bloqueurs »
ont une hantise : « la descente des fafs ». Alors,
ils s'organisent en commune libre. Et cela donne un cloaque. La ZEP pue
l'immondice, et la peur fait halluciner les grévistes. L'auteur
n'épargne personne, les anars, les communistes relookés,
le SO, les amis du comité de lutte, le président de l'université
: ils y passent tous. Celui-ci, comme il se doit, fait partie de « la
clique repentante », il est historien, lui aussi, mais c'est
un homme de consensus, un sage, « un gestionnaire petit-bourgeois ».
Le jeune Lorent n'aime pas les bien-pensants. Il ne pardonne pas au président
de gauche de réciter sans vergogne son catéchisme républicain.
Il honnit chez lui son antiracisme mâtiné de remords postcoloniaux.
Il lui reproche sa complaisance envers l'antisémitisme des damnés
de la terre. Philippe Petit |
La lettre de l'Etudiant n° 868 |
Printemps 2006, le projet du CPE enflamme les esprits.
Dans les universités, deux camps s'opposent : ceux qui veulent
son retrait en assiégeant les facs et ceux qui réclament
la « liberté d'étudier ». Loïc Lorent,
alors étudiant en doctorat d'histoire contemporaine, assiste a
ce bouillonnement dans sa fac occupée. II décide alors de
tenir la chronique quotidienne du mouvement durant soixante-dix jours,
racontant le blocage du campus, les AG, les manifs. II faut l'avouer,
le portrait qu'il dresse de sa génération est sans concessions.
Et l'auteur avance masqué, on ne sait ni ses origines, ni où
l'action se situe. Mais il dépeint les grévistes comme des
« animaux furieux fils et tilles de fonctionnaires, qui sautent
sur leurs chaises, qui récitent leur idéologie en kit et
qui ne sont pas peu fiers de leurs petits effets... Des petits Che Guevara
qui seront très a l'aise, quelques années plus tard, dans
les salons dorés de la République ». Ce livre est
le témoignage brûlant d'un étudiant qui ne se reconnaît
pas dans la révolte d'une certaine jeunesse. Mieux, qui refuse
de la cautionner. Même s'il décrit cette agitation avec lucidité
et humour, on lui reprochera, d'être, du haut de ses 23 ans, parfois
impitoyable, voire carrément offensant. Un exemple ? La formule
lapidaire en fin de récit : « Les Français ont les
enfants qu'ils méritent et ils cueillent les traits pourris de
leur stupide ambition égalitariste. » |
Le Figaro 29 août 2007 |
Dans un récit en forme de pamphlet consacré
aux manifestations anti-CPE de 2006, Loïc Lorent fait un portrait
au vitriol d'une jeunesse, dont la « rébellion » proclamée
est l'avatar d'un certain conformisme intellectuel. |
Radio Campus La Quotidienne 21 juin 2007 |
15-21 / 10 / 2007 n° 1548 |
On peut être jeune, s'imaginer rebelle, et être
un niais. Avoir un look radical, par exemple porter un keffieh dans les
manifs, sans jamais avoir quitté sa maman. Et finir par se croire
d'avant-garde parce que des adultes qui craignent de passer pour ringards
flattent la jeunesse pour ne pas être accusés d'avoir vieilli. Voilà le constat ironique que Loïc Lorent,
après avoir observé un certain nombre de ses acolytes, établit
dans Votre jeunesse, petit livre qui mérite le détour. Doctorant
en Histoire à Toulouse, Loïc, 22 ans, a vécu les grèves
contre le CPE et le blocage des facultés du Mirail par des groupes
qui ont imposé leurs lois à une majorité moutonnière;
ce, pour transformer la faculté en capharnaüm. Il met à
nu l'idéologie de ces néo-gauchistes incultes qui colportent
une vision surchargée de poncifs. Dans la novlangue gaucho-libertaire,
le monde est simple comme un tract mal écrit. Il y a les «méchants»
(Le Pen, Sarko...), et les «bons» (José Bové,
Hugo Chavez et Besancenot). « L'Education nationale les a bien éduqués.
Avant 1789, néant, l'arbitraire. 1848, 1871, 1936, 1968,1981...
Magie des dates. Et Austerlitz dans tout ça, fasciste. L'Éducation
nationale a fait d'eux des cuvettes pensantes. Et ça pense mal
une cuvette...» PAUL-FRANÇOIS PAOLI |
Famille Chrétienne 24/11/2007 - n°1558 |
La petite guerre des facsProfitant d’une semaine de contestation sociale agitée, les groupuscules militants ont cherché à faire basculer les universités vers un nouveau mouvement national, calqué sur la crise du CPE. Mais d’une assemblée générale à l’autre, les slogans sont loin de faire l’unanimité chez les étudiants. Reportage à Tolbiac et à la Sorbonne. Clotilde Hamon
À Nanterre, mardi 13 novembre au matin, les CRS ont dû jouer les casques bleus pour séparer les pro et anti-blocage. À Rennes II, bastion de la contestation, les votes à bulletin secret ont permis aux anti-bloqueurs de se faire entendre à 62 % - verdict refusé par les bloqueurs qui provoqua l’intervention des CRS. Naturellement, dans les AG qui se sont tenues un peu partout durant la semaine, l’ennemi à abattre est devenu le vote à bulletin secret. Des discussions allant des sans-papiers à la colonisation Comme le furet, le journaliste court après les AG, à dates et à horaires variables, souvent avancées au dernier moment, et auxquelles on ne peut plus accéder passée la première heure de discussion. Après, c’est une patience de Sioux qu’il doit déployer, tant les interventions sont nombreuses, les palabres interminables, décourageant de rester jusqu’au fameux vote à main levée, qui déterminera s’il y a ou non blocage. Paris I-Tolbiac : barrage filtrant. Il faut une carte d’étudiant ou de presse. Fac rouge, amphi pourri où les néons reflètent un puissant halo de fumée de cigarettes. Les filles prennent des notes, distribuent la parole. Les ordres du débat sont inscrits à la craie au tableau. Chacun prend son tour, les intervenants sont appelés à un rythme soutenu, «Machin et Bidule se préparent». Grosse pression sur l’Unef qui «va dans les ministères» et qui a «niqué» les étudiants en signant le projet de loi en juillet. Et sur la presse, «vendue à Sarkozy», qui soutiendrait massivement les anti-bloqueurs. Défilent surtout des étudiants encartés, syndiqués, militants, desperados de tous poils. Des sans-papiers à la colonisation, en passant par le CAC 40, tous les sujets sont bons pour la lutte. Parmi ceux qui prennent la parole, un cheminot venu appeler les étudiants à rejoindre la manif du 14, forcément « solidaire », car il ne veut pas que ses «gosses étudient à l’université du Medef». Dans ce mélange d’euphorie («D’abord, j’tenais à dire qu’j’suis grave contente d’être là») et d’emphase (envolées sur «nos frères tombés sous la répression sarkozyste»), où la bimbeloterie d’extrême gauche côtoie (et enrôle) l’authentique malaise étudiant et sa hantise de l’avenir, on perçoit quand même la volonté de se justifier sur la légitimité démocratique des AG, que certains hurluberlus ont tôt fait de balayer : «La démocratie, c’est Hitler, Pétain et les troupes coloniales». Ambiance… L’Unef critiquée de toutes parts Direction la Sorbonne qui, elle, a choisi de refuser l’accès à la presse, obligée de ruser pour entrer dans la fac. Amphi Richelieu, sous la fresque paisible ornée de la devise «Pacem summa tenent» (On tient par-dessus tout à la paix), l’AG veut aussi la guerre. Ambiance un peu plus glamour, avec davantage de contradicteurs, même si l’entre-soi fonctionne à plein. Les sept membres de l’Uni, seul syndicat étudiant de droite, présents dans l’amphi, sont stigmatisés. Thomas Seince, chef de la section locale, sang-froid et humour de circonstance, répond aux harangues avec un certain brio. Différents de la faune ultra-gauchiste avec panoplie Che Guevara souvent moquée, certains possèdent de réelles qualités d’éloquence. De là à se croire dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, il n’y a qu’un pas… Venue défendre le vote à bulletin secret de tous les étudiants munis de leur carte, une étudiante se fait huer, avant d’essayer de montrer à quel point le combat est inégal entre les pros du militantisme et la majorité silencieuse, peu habituée aux estrades et à l’agit-prop. Un combat perdu d’avance, pour beaucoup d’étudiants croisés dans les couloirs et à la sortie des cours, tel Paco, grand black dégingandé, en licence de droit et philo, qui essaie d’expliquer à ses camarades, entre gens «intelligents», que le vote à bulletin secret est le moment de la réflexion et de l’intériorité, tandis que l’ambiance de l’AG est peu propice à la chose : «Si je dis tel truc, je vais me faire huer, si je dis tel autre, je vais me faire applaudir». Il rappelle l’objet du débat, la LRU, il réclame «les textes de loi et pas des tracts». Un autre confesse avoir «sa carte au PS», en précisant que ça ne l’empêche pas de réfléchir ; il veut mettre le doigt sur le problème des AG : «Y’a des grandes gueules. On aime bien faire le kéké à la tribune, arrêtons d’être caricaturaux». À côté des sujets d’inquiétude «classiques» (la réforme LMD pour harmoniser les diplômes au niveau international, la peur des «diplômes bâtards sans visibilité», etc.), il est vrai que les énormités pleuvent. En vrac, on lutte pour ne pas «payer des vacances à Sarko» ou devenir «de la chair à patron». «C’est une logique d’ensemble que j’essaie de dénoncer et non pas de négocier», lance une fille de la FSE (Fédération syndicale étudiante) tout en pointant la non-représentativité des syndicats étudiants, pas le sien, bien sûr, mais l’Unef, très critiquée ici aussi. Traître à la cause perdue, le syndicat proche du PS a pourtant vite fait de se raccrocher aux wagons en réclamant une «amplification» du mouvement. Comme si ce qui comptait était de dénoncer, refuser, guerroyer hors de toute perspective intellectuelle. «La LRU n’est qu’un prétexte fédérateur» Parfois, la volonté de puissance de l’étudiant fait penser à l’avatar de l’enfant tyran devenu grand. «La LRU n’est qu’un prétexte fédérateur, dénonce Loïc Lorent, étudiant et auteur de Votre jeunesse (éd. Jean-Paul Bayol), chronique au vitriol des grèves anti-CPE de 2006. Vous avez 5 % d’étudiants ultra-politisés qui militent pour tout et n’importe quoi : la destitution de Nicolas Sarkozy ou la dictature du prolétariat. À quand le blocage contre la faim dans le monde ou le sida ? Avec ce marketing révolutionnaire et sa dimension festive, tellement dans l’air du temps, ils s’y croient. Cela prospère sur le conformisme idéologique d’une majorité d’étudiants dans les filières de lettres et de sciences humaines. Même les anti-bloqueurs se sentent obligés de montrer patte blanche en se désolidarisant de la loi dans les AG.» Bref, les étudiants ne sont pas encore sortis de l’auberge espagnole qu’est devenue l’université française. |
Le Monde de l'éducation, janvier 2008 |